Accès aux soins La Réunion n'est pas à l'abri d'un manque de médecins.
Les soignants veulent la mise en place d'un plan régional
La problématique des déserts médicaux se pose presque partout en France et La Réunion n'est pas à l'abri d'un manque de médecins, notamment de spécialistes. Si l'île dispose de plus de docteurs généralistes pour 100.000 habitants que la moyenne nationale, certains secteurs, l'est et les hauts en l'occurrence, font face à des difficultés d'accès aux soins. Une situation risquant de s'empirer sans un plan régional d'attractivité dont plusieurs professionnels de santé veulent la mise en place.
"La Réunion est un territoire avec des besoins particuliers : le diabète, les maladies chroniques et endémiques sont nombreux dans l’île et demandent une attention particulière" souligne Alain Domercq, président du Conseil interrégional de l'Ordre des médecins. Face à une population qui est aussi plus pauvre que dans l’Hexagone, des réponses régionales doivent être mises en place, selon ce dernier.
Car si la densité totale des médecins généralistes à La Réunion est supérieure à celle de la Métropole, avec 145 médecins pour 100.000 habitants, contre 137 pour 100.000 habitants dans l’Hexagone, il ne s’agit "que d’une moyenne, qui ne reflète pas la réalité du territoire" aux yeux d’Alain Domercq.
Si l’on s’en réfère à la cartographie de l’Agence régionale de santé, qui répertorie les zones où l’offre de soin était insuffisante en 2021 en matière de médecins généralistes, les cirques de Cilaos et Salazie, et plusieurs zones de Saint-André, Sainte-Suzanne, Sainte-Anne, mais aussi Saint-Joseph, Saint-Denis ou encore Saint-Paul sont considérées comme des "zones d’intervention prioritaire". Toutes ces zones sont donc des territoires dont l'offre de soins est insuffisante ou dont l'accès aux soins est difficile.
"Il faut aussi garder en tête qu’une grande partie des médecins aujourd’hui sont âgés de plus de 55 ans, et qu’à leur départ à la retraite, rien ne garantit qu’ils trouveront des remplaçants. Certains ont une charge de travail telle que lors de leur départ à la retraite, il faudra peut-être deux médecins pour pouvoir reprendre toute la patientèle" indique Alain Domercq. D’où la nécessité de travailler sur l’attractivité de l’île pour les médecins. En 2020, l’âge moyen des médecins généralistes en exercice était de 51,5 ans, et 44% d’entre eux avaient 55 ans et plus, selon l’ARS.
Elle souligne cependant que "depuis 2013, le nombre de médecins généralistes a augmenté à La Réunion, passant de 1 098 à 1 246, soit un augmentation de 13,5%, et la densité s’est également améliorée, avec un passage de 131 à 145 médecins pour 100. 000 habitants".
"Des mesures incitatives (aides à l’installation, rémunération complémentaire…) sont déployées à La Réunion pour une meilleure répartition de l’installation des médecins en particulier dans les hauts et dans les cirques" indique-t-elle par ailleurs.
- Plusieurs mois d'attente chez les médecins spécialisés -
La situation est d’autant plus préoccupante du côté des médecins spécialisés, "notamment chez les cardiologues ou encore les psychiatres" d’après Alain Domercq. Obtenir un rendez-vous peut parfois prendre plusieurs mois, affectant la qualité des soins pour les patients.
L’ARS confirme de son côté que la densité, en progression, reste inférieure à celle de la Métropole, avec 157 spécialistes pour 100.000 habitants contre 178. Au 1er janvier 2020, La Réunion comptait 1.357 médecins spécialistes en activité, dont l’âge moyen est de 47 ans été 37% ont 55 ans et plus·
Une situation préoccupante, alors que certaines maladies comme le diabète touche une part plus importante de la population que dans l’Hexagone. Encore une fois, le président du Conseil interrégional de l’Ordre des médecins préconise de "regrouper tous les acteurs de la santé pour avancer ensemble". "L’ARS doit actualiser régulièrement la cartographie de l’offre de soins dans l’île, afin d’avoir un regard constant sur la situation et pouvoir prévoir notre politique de santé" estime-t-il.
Alors que les modes de vie ont changé et que les exigences des jeunes médecins ont évolué, l’attractivité reste le fer de lance d’Alain Domercq. "Un désert médical, cela sous-entend un désert tout court : un accès difficile à la culture et à la vie sociale. Les jeunes médecins n’aspirent pas à ça" martèle-t-il.
- Les hôpitaux pas épargnés -
Au-delà des médecins en cabinet, l’hôpital est lui aussi en souffrance, à l’instar de la Métropole. Alors que la situation dans les services d’urgence est particulièrement préoccupante dans l’Hexagone, La Réunion n’échappe pas à ces préoccupations. "Aujourd’hui, un grand mal-être touche tous les soignants" affirme Jean-Marc Vélia, secrétaire départemental de la CFDT Santé. "Il y a un véritable manque de reconnaissance et des conditions de travail dégradées qui nous concerne tous, mais particulièrement les urgences" ajoute-t-il.
Et au-delà de la pénibilité du travail, le "turn over" (changement de personnel ; ndlr) au sein du service pose un véritable problème. "Les urgences sont un service particulier, qui nécessite des connaissances que l’on acquiert directement en y travaillant. Mais les soignants qui y passent n’y restent que quelques mois, nous sommes donc dans une formation constante des nouveaux arrivés, ce qui impact grandement le service" explique Jean-Marc Vélia. Même problème ici : l’attractivité du poste.
"Nous avons besoin d’une fidélisation du poste, qui passe par une revalorisation des salaires et une reconnaissance du travail pour" affirme le syndicaliste. Il prône aussi la création de maisons de santé afin de désengorger les urgences des patients ne nécessitant pas forcément de soin immédiat. A noter que dans les effectifs des établissements de santé et des établissements médico-sociaux de La Réunion, selon la dernière enquête nationale réalisée fin mai 2022, 47 professionnels étaient toujours suspendus en raison d'une absence de pass vaccinal, soit 0,28% de l’effectif des établissements concernés. Pas assez donc pour résoudre une quelconque crise.
Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé une "réforme collective" et une "mission flash" pendant un mois sur les "soins non programmés" dans les services hospitaliers. Pour autant, les soignants sont sceptiques aujourd’hui, après plusieurs années de coupes budgétaires. Peut-être que la conférence sur la santé prévue juillet pour répondre à la crise traversée par les personnels de santé apportera des réponses.
Source : https://www.ipreunion.com/ AS / Photo RB