Mayotte et La Réunion : la crainte d'une double vague épidémique.
Avec un taux d'incidence de 1.600 pour 100.000 habitants à La Réunion et de 1.200 à Mayotte - selon le préfet de ce département -, les deux îles françaises de l'océan Indien atteignent des records de contaminations. Si la situation est "gérable" pour l'heure selon les institutions sanitaires, la tension hospitalière se confirme et le CHU de La Réunion est en quasi saturation. Seul espoir : que Mayotte maintienne son faible taux d'admissions en réanimation. Car une "double vague épidémique", simultanée dans les deux départements, serait une catastrophe d'un point de sanitaire. Et la Métropole, qui doit lutter contre sa propre vague, peut difficilement envoyer des renforts.
Le CHU de La Réunion atteint son "plus haut niveau d'occupation d'hôpital public depuis deux ans" a déclaré le directeur Lionel Calenge ce jeudi 6 janvier 2022, au cours d'une conférence de presse. Avec 139 personnes hospitalisées pour Covid-19, l'hôpital est dans un état "d'extrême tension".
Pour autant, les institutions sanitaires, qu'il s'agisse de l'ARS, des médecins de ville, du CHU ou des cliniques privées, estiment que la situation reste sous contrôle. Le variant Omicron, s'il est "trois fois plus contagieux", est "deux à trois fois moins sévère que le Delta" a déclaré la directrice de l'agence régionale de santé, Martine Ladoucette, en s'appuyant sur les dernières études également mis en avant par le gouvernement. Le "roulement" peut donc être plus fluide dans les hôpitaux, avec des séjours moins systématiques et plus courts.
- Très forte tension au CHU de La Réunion -
Pour autant, le CHU ne cache plus sa quasi saturation. Au CHU, 77 lits de réanimation étaient occupés ce jeudi matin sur 81. Au CHOR le taux d'occupation est de 100%.
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Le CHU pourrait s'équiper de 10 lits de réanimation supplémentaires, à condition de fermer huit salles de bloc opératoire et déprogrammer à nouveau des opérations dites "non-urgentes", de quoi impacter malgré tout le suivi des malades. La fermeture de ces blocs représente l'équivalent de 60 patients déprogrammés par jour, si le CHU vient à ajouter ces lits de réa supplémentaires. "On est à 95% d'occupation, Covid ou non Covid. Les patients Covid se rajoutent à toute l'activité habituelle, qui n'a pas diminué" a commenté Philippe Ocquidant, du CHU Sud.
En médecine, sur les 69 lits ouverts au CHU, 90% sont occupés. Dans la semaine ce taux est monté jusqu'à 100%, a indiqué Lionel Calenge.
Taux d'incidence de La Réunion - Santé publique France
- La peur d'une saturation à Mayotte -
Tous les yeux sont dorénavant rivés sur Mayotte où les indicateurs se dégradent rapidement depuis quelques jours. Mi-décembre, le taux d’incidence n’était que de 30 cas pour 100 000 habitants. Il avait grimpé à plus de 700 en début de cette semaine, pour atteindre désrmais 1 200 cas pour 100 000 habitants, a indiqué le préfet de l'île aux Parfums ce jeudi sur les ondes de Mayotte la 1ere.
Il a d'ailleurs annoncé le rétablissement d’un couvre-feu effectif de 20h à 5h du matin dans les prochains jours.
Conséquenes, les hospitalisations sont en hausse mais sous contrôle. Ainsi 81 patients sont hospitalisées et cinq personnes sont en service de réanimation selon le dernier bilan fourni par Santé publique France. La situation est "gérée et gérable" là-bas, a estimé la directrice de l'ARS Martine Ladoucette.
Toutefois les admissions en réanimation augmentent et les capacités sont faibles sur l'île aux parfums, qui ne compte que 16 lits de réanimation selon les chiffres fournis en 2021. Le remplissage peut donc être rapide en cas de hausse soudaine des cas graves.
Avec 2.991 contaminations recensées en l'espace d'une semaine, Mayotte n'est pas sereine, elle qui est désormais en état d'urgence sanitaire. Le taux d'incidence, jusqu'ici étonnamment bas, passe à plus de 812 pour 100.000 habitants. Pour rappel, il avait frôlé les 900 cas pour 100.000 lors de la très forte vague de février 2021, qui avait conduit à de nombreuses évacuations sanitaires (evasan) vers La Réunion. Quatre d'entre elles avaient été redirigées vers la Métropole en raison des capacités limitées du CHU réunionnais.
Taux d'incidence de Mayotte - Santé publique France
- Le risque de ne pas pouvoir accueillir d'evasan -
A ce stade, Mayotte n'a pas sollicité La Réunion pour envisager de nouvelles evasan, sa situation hospitalière restant stable. Mais Lionel Calenge le dit, "notre limite est connue". Dans le cas d'une vague à Mayotte, la situation serait extrêmement compexe. "Jusqu'à présent, il n'y a jamais eu de synchronisation de deux vagues épidémiques entre ce qui se passe ici et ce qui se passe à Mayotte. On espère ne pas avoir à l'affronter" a avoué le directeur du CHU. Cette synchronisation, si un jour elle a lieu, serait "une situation inédite".
Si La Réunion a pu gérer ses vagues puis celles de Mayotte en accueillant des malades graves, rien ne dit qu'il serait possible de les accueillir à nouveau dans les conditions actuelles.
De fait les places restantes sont très limitées. A ça s'ajoute le manque de moyens humains pour s'occuper des malades. Au CHU, on ne cache pas que la période des fêtes a été difficile, entre la fatigue légitime des équipes soignantes et l'absence de certains personnels, partis en congés. L'arrivée de plusieurs evasan compliquerait la tâche des hôpitaux, rapidement en manque de bras.
- Confiner plutôt que trier les patients -
A ces difficultés, on peut également ajouter l'impossibilité de faire appel aux renforts de la réserve sanitaire en Métropole, comme ce fut le cas précédemment. L'ARS de La Réunion le dit : l'Hexagone doit combattre sa propre vague, présente sur tous les départements. Impossible alors de mobiliser du personnel dans la situation actuelle, et alors que l'épidémie de grippe est également en cours en Métropole.
La tension hospitalière annoncée par l'hôpital public comme les cliniques privées est donc à envisager sur le long terme. Seule solution selon les institutions sanitaires : respecter plus que jamais les gestes barrières et se faire vacciner. 90% des patients en service de réanimation et de médecine au CHU ne sont pas vaccinés.
Si la situation actuelle perdure et se dégrade, Philippe Ocquidant le dit, il faudrait alors envisager un reconfinement de La Réunion : "je préfère qu'il y ait un confinement plutôt que trier les patients et en laisser mourir."
Source : https://www.ipreunion.com/ MM / Photo RB