LA TECHNIQUE DE L’INSECTE STERILE Bien présent sur notre île, le moustique tigre (Aedes albopictus) est connu pour être vecteur d’épidémies comme le chikungunya et la dengue. Depuis plus de dix ans, l’Institut de recherche pour le développement travaille sur la Technique de l’insecte stérile (TIS) à la Réunion, comme un moyen complémentaire de contrôle de la population des moustiques tigres afin d’enrayer les maladies qu’ils peuvent transmettre. La technique de l’insecte stérile (TIS) en détails Définition de la technique La TIS consiste à lâcher dans la nature des moustiques mâles élevés en laboratoire et rendus stériles par radiographie. L’accouplement de ces mâles stériles avec des femelles sauvages génère des pontes non viables, anéantissant ainsi la descendance. Cela entraîne naturellement un déclin de la population de moustiques et diminue ainsi le risque de transmission de maladies chez les humains. Une méthode sans risque pour la population Seuls les moustiques femelles piquent les humains et peuvent leur transmettre des maladies, si elles sont infectées. Les mâles, eux, ne piquent pas : ils se nourrissent de nectar, de sève de plante et de jus sucré. Après un tri méticuleux, la TIS ne relâche que des mâles, préalablement stérilisés : c’est pourquoi ces lâchers sur le territoire réunionnais ne présentent pas de risque pour la santé des populations. Une lutte écologique et ciblée La TIS ne cible que l’espèce que l’on veut combattre, ici le moustique tigre. On combat ainsi « le mal par le mâle ». Innovante et respectueuse de l’environnement, cette technique permettra de réduire les populations de moustiques tigre mais n’aura aucun impact sur les autres espèces de moustiques (Culex par exemple) ou les autres insectes, et donc aucun impact sur leurs prédateurs naturels. Méthode complémentaire, elle viendra renforcer l’arsenal des outils de lutte anti-vectorielle disponibles, de manière à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et préserver leur efficacité. Une méthode qui a déjà fait ses preuves Inventée dans les années 1930, aux États-Unis, la technique a démontré des résultats concluants dans les années 1950 dans la lutte contre la mouche méditerranéenne des fruits et contre plusieurs les insectes ravageurs des plantes et des animaux : mouche de bétail, carpocapses, mouches des fruits, etc. Dans le domaine de la santé humaine, la TIS a permis d’éradiquer la présence de la mouche tsé-tsé sur l’île de Zanzibar entre 1994 et 1998. Dans la lutte contre les moustiques, on peut citer également les tentatives d'élimination de Culex pipiens Linneaus dans un village du Myanmar et Culex quinquefasciatus Say en Floride aux Etats-Unis ou d'Anopheles albimanus Wiedemann autour du lac Apastepeque, en Amérique Centrale. D’abord à La Réunion et dans plusieurs autres pays (Italie, Espagne, Grèce, Cuba, Afrique du Sud, Ile Maurice) cette technique a été mise à l’étude pour lutter contre les moustiques vecteurs de virus de dengue, chikungunya et Zika. Un projet en plusieurs phases, coordonné par le Docteur Louis-Clément Gouagna, entomologiste médical à l’IRD, en collaboration avec des chercheurs des institutions locales, nationales et internationales. 2008-2014 – phase 1 – recherche et développement : Dans une première phase, l’IRD a collecté des données et étudié la faisabilité de la TIS sur l’Île de La Réunion. 2015-2019 – phase 2A – préparation : L’IRD a ensuite œuvré à la mise en place des méthodologies auxquelles il a réfléchi en phase 1. Les tests en laboratoire ont prouvé l’efficacité de la méthode dans un environnement in vitro. 2020 – 2022 – phase 2B – démonstration : L’IRD entre dans la phase de démonstration en milieu naturel. Des essais pilotes vont donc être menés dans les deux prochaines années afin d’évaluer l’efficacité de la technique dans un environnement in vivo. S’ils sont concluants, la technique pourra être appliquée à l’échelle de La Réunion dans les années futures, ce qui permettra de réduire le risque sanitaire porté par les moustiques et de limiter l’impact économique d’une telle technique. A partir de 2023 – phase 3 – Intégration de la TIS dans les politiques de prévention : Cette étape, une fois la phase 2B validée, consistera en l’installation des infrastructures nécessaires sur l'île de La Réunion pour la mise en œuvre opérationnelle de la TIS et le suivi de l'efficacité à l’échelle du territoire. Duparc, quartier pilote des lâchers Depuis plusieurs années, le quartier de Duparc est pilote de ce projet de démonstration de l’efficacité de la TIS. Des pré-lâchers réalisés en 2019 ont vérifié que les moustiques mâles stériles produits en laboratoire sont capables de survivre (5 à 10 jours en moyenne) et se disperser dans la nature (dans un rayon de 50 à 100 mètres) aussi bien que leurs congénères mâles sauvages à la recherche de moustiques femelles. D’autres tests supplémentaires sont prévus en mars, mai et juin 2021 afin de préparer l’étape suivante. Quelle est la prochaine étape ? A partir de l’hiver austral 2021, des lâchers à grande échelle seront réalisés à Duparc, sur plusieurs mois, afin de réduire les populations de moustiques. Ils permettront d’obtenir des résultats concrets sur l’efficacité de la méthode en milieu naturel, représentée par le quartier de Duparc. Les lâchers sont encadrés par un arrêté préfectoral, avec l’aval du Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST). Et ensuite ? Une fois son efficacité validée à l’échelle d’un quartier (Duparc à Ste Marie) la TIS a vocation à être appliquée à large échelle à la Réunion. Sans se fixer un but d’éradication des moustiques, des lâchers massifs réguliers permettront de réduire la population et la maintenir suffisamment basse pour supprimer le risque de transmission des maladies vectorielles (Dengue, Chikungunya, Zika).