Covid-19 pour voyager, l'obligation vaccinale devient une réalité.
Entre la mise en place du pass sanitaire et la levée des motifs impérieux pour les personnes vaccinées, il semble que le vaccin devienne un critère de plus en plus essentiel pour voyager. Certains s'insurgent, en rappelant qu'en France la vaccination anti-Covid n'est pas censée être obligatoire. Elle le devient malgré tout à La Réunion - pas en Métropole -, pour avoir le droit de sortir du territoire. Une contrainte qui se justifie d'un point de vue médical et sanitaire, mais qui a du mal à être assumée par l'État.
Il faut le dire, la vaccination est en train de devenir une obligation pour pouvoir quitter La Réunion. Un critère qui agace de plus en plus les anti-vaccins ou simplement des habitants sceptiques qui, eux, ne souhaitent pas se faire vacciner. De fait, en France, la vaccination anti-Covid n'est pas obligatoire et l'Ordre des médecins ne fait que la recommander à ce jour.
Pourtant le vaccin se transforme malgré tout en sésame nécessaire pour avoir le droit de prendre l'avion. Déjà par le biais du pass sanitaire, qui permet de prouver que l'on est vacciné.e via l'application TousAntiCovid, présentée à l'embarquement. Ensuite via la levée des motifs impérieux, prévue le 9 juin… uniquement pour les personnes vaccinées.
- Une mise en place légale -
Il faut rappeler dans un premier temps que ces décisions gouvernementales sont légales. On se rappelle de la quatorzaine à réaliser lors de l'arrivée sur l'île, obligatoirement en hôtel ou dans un centre dédié. Une mesure sanitaire qui avait été retoquée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de libertés individuelles.
Libertés qu'avait alors voulu respecter le préfet en ne voulant pas rendre la septaine obligatoire dans un second temps, qu'elle se fasse à domicile ou à l'hôtel. Finalement, comme l'avait révélé Imaz Press, son obligation aurait pu être justifiée par l'état d'urgence sanitaire. C'est d'ailleurs ainsi que le gouvernement a rendu obligatoire une septaine de sécurité pour les voyageurs en provenance de Guyane, pourtant département français, lors de l'expansion du variant brésilien.
Dans le cas présent, permettre à un voyageur de se déplacer à condition d'être vacciné (même d'un département français à un autre) est une fois de plus permis grâce à l'état d'urgence sanitaire, et plus précisément au projet de loi étudié en ce moment pour sortir de l'état d'urgence, nous indique un magistrat. Actuellement en discussion au parlement, ce texte implique des contraintes pour retrouver une vie "normale" et voyager à nouveau. Celui-ci n'a pas été voté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, une commission mixte paritaire s'est donc réunie pour définir le texte final.
L'article 1 bis du projet de loi permet d'imposer à ceux qui veulent voyager, ou accéder à certains lieux impliquant de grands rassemblements, de présenter un document attestant d'un dépistage négatif ou d'une vaccination. Dans le cas présent, l'avocat que nous avons consulté note bien que "le vaccin n'est pas la seule façon de disposer du pass sanitaire".
Pour la levée des motifs impérieux, c'est par contre le cas. C'est dans les faits "une atteinte aux libertés", de circulation dans le cas présent, mais elle est encadrée : dans le temps, dans les modalités, dans les garanties de procédure, note ce magistrat.
- Une action en justice se prépare -
Ce cadre légal n'empêche pas des voix de s'élever contre cette obligation vaccinale en cas de voyage. Par voie de communiqué, la Défenseure des droits a alerté le 17 mai sur plusieurs points du projet de loi actuellement discuté. Elle appelle notamment à ne pas pérenniser cette mesure : "la Défenseure des droits appelle les autorités à une extrême prudence dans la mise en place du dispositif du " pass sanitaire " qui n’aura vocation à être utilisé que le temps strictement nécessaire pour répondre à la situation sanitaire".
A La Réunion, maître Alex Vardin, déjà bien connu et médiatisé pour son opposition au port du masque obligatoire à l'école, est vent debout contre cette mesure. Il a accepté de représenter des citoyens opposés aux conditions de levée des motifs impérieux et prévoit une action en justice.
"C'est un effet boule de neiges, au final plus de 500 personnes ont fait appel à moi en deux jours. C'est ce que je compte mettre en avant : il y a une vraie pression de la part de la population" estime maître Alex Vardin. Celui-ci envisage de déposer un référé-liberté et invoque plusieurs motifs : "atteintes de libertés et droits fondamentaux", "atteinte à la liberté d'aller et de venir", "discrimination". L'avocat ne tolère pas notamment la différence de traitement vis-à-vis des autres départements français, y compris dans les DOM.
"Il n'y a pas le terme 'obligation' dans l'arrêté préfectoral mais de facto, la vaccination devient obligatoire pour voyager. C'est une contrainte qui me dérange, ce n'est pas bien du tout", juge maître Alex Vardin, qui émet par ailleurs des doutes sur l'efficacité du vaccin anti-Covid et sa capacité à immuniser la population.
- "La solution la plus efficace" -
Nombreux sont ceux cependant, à commencer par la communauté médicale, qui estiment que la vaccination reste le moyen le plus immédiat et efficace de pouvoir reprendre une "vie d'avant" sans risquer une nouvelle propagation du virus.
"L'île est isolée, ce serait une catastrophe de connaître une hausse significative des contaminations" estime le docteur Alain Domercq, président du Conseil interrégional de l'Ordre des médecins. "Il est important que les gens se vaccinent sur un territoire comme La Réunion où les flux de personnes peuvent avoir un impact sanitaire colossal."
Lors d'un précédent article, le docteur envisageait difficilement la mise en place d'un pass sanitaire sur l'île pour des questions de libertés fondamentales. "Aujourd'hui je la vois comme une nécessité. Il faudra bien un jour que tout le monde soit vacciné" estime-t-il.
Pour l'heure, l'Ordre des médecins ne s'est pas positionné pour une vaccination obligatoire. "Oui elle le devient pour voyager, mais voyager n'est pas obligatoire non plus après tout" rappelle le médecin. Et pour les motifs impérieux valables (urgence personnelle, professionnelle ou de santé), il ne sera pas nécessaire d'être vacciné pour voyager. "Il fallait de toute façon trouver quelque chose, les motifs impérieux n'étaient plus tenables. Je comprends le désagrément, et oui ça reste une 'contrainte' mais beaucoup d'autres pays rendent des vaccins obligatoires après tout. Après la seconde dose, nous sommes immunisés à 90-95% contre le virus, c'est pour l'instant la solution la plus efficace."
A noter que ce mardi, l'Académie nationale de médecine, elle, a estimé indispensable de rendre le vaccin obligatoire pour de nombreuses professions et de vacciner enfants et adolescents, seul moyen d'atteindre "une immunité collective suffisante" pour contrôler l'épidémie de Covid-19.
- La peur du mot "obligation" -
Sur nos réseaux, nous vous avons demandé si vous souhaitiez vous faire vacciner pour pouvoir voyager. Sur Facebook, 75% d'entre vous disent non, sur Instagram 70% disent oui et sur Twitter c'est plus serré, 56% disent non. Bref la question divise, plus que jamais.
Et que l'on souhaite se faire vacciner ou non est une chose, mais une obligation validée sur le plan de la loi en est une autre. Et si l'Etat tranche en faveur de la communauté scientifique – du moins une bonne partie – encore faudrait-il le dire clairement. Car rendre la vaccination anti-Covid obligatoire n'est pas sur la table, mais imposer le vaccin pour voyager reste bel et bien une forme d'obligation. Ainsi clarifier la situation en osant prononcer le mot "obligatoire" serait peut-être souhaitable un jour ou l'autre.
La situation, confuse, donne l'impression à certaines Réunionnaises et Réunionnais que l'Etat tente de contourner cette "non-obligation vaccinale". Comme c'est le cas d'ailleurs avec le maintien d'un test PCR et d'une septaine pour les personnes vaccinées qui souhaitent voyager. "Cela risque de donner l'impression à certains que dans ce cas, le vaccin n'est pas efficace" note Alain Domercq, qui estime qu'un allègement sera nécessaire pour les voyageurs vaccinés.
Des imprécisions qui s'ajoutent à celles du numéro vert, donnant de fausses informations aux futurs voyageurs, ou aux délais nécessaires après la vaccination, de deux à quatre semaines, et qui sont apparus tardivement sans communication aucune alors que certains avaient déjà acheté leurs billets d'avion. Des imprécisions qui peuvent donc donner l'impression que La Réunion reste un laboratoire, comme lors de la mise en place de la quatorzaine en hôtel, lorsqu'il s'agit de tester des mesures sanitaires.
Une situation dommageable pour les Réunionnaises et Réunionnais qui, loin de l'Hexagone, ont tout autant besoin d'annonces claires et précises pour les mois à venir que leurs compatriotes métropolitains.
Source : https://www.ipreunion.com/ MM / Photo RB