Bioéthique éternel (et douloureux) débat autour de la fin de vie.
Assistance médicalisée active à mourir
Le jeudi 8 avril 2021, l'Assemblée nationale a examiné la proposition de loi "donnant le droit à une fin de vie libre et choisie" déposée par le député Olivier Falornu du groupe Libertés et territoires. Cette proposition a pour objectif d'ouvrir un recours à "une assistance médicalisée active à mourir" pour toute personne "capable et majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable" et qui ne peut être "apaisée" ou jugée "insupportable". Le premier article a finalement été adopté malgré les 3.000 amendements dont 2300 déposés par les Républicains. Le débat dépasse les rangs de l'hémicycle puisque des artistes comme Line Renaud ont pris la parole. Elle estime que cette proposition de loi est "un progrès essentiel" contrairement à Michel Houellebecq pour qui "la France perdrait tout droit au respect". A La Réunion le débat est également d'actualité et il est aussi vif.
Notre île n'échappe pas au débat sur la fin de vie. Pour Jocelyne Lauret, la déléguée Réunion de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), "la loi actuelle (ndlr Claeys-Léonetti) est pacifisante, il y a des dérives et les euthanasies clandestines en font partie". "Seul le médecin décide de la sédation profonde contrairement à l’assistance médicalisée à mourir qui prévoit un accompagnement du patient par son médecin", ajoute-elle.
Pourtant comme l’explique le docteur Olivier Collard, chef de service de l’unité des soins palliatifs et du centre de la douleur à la clinique de Sainte-Clotilde, l'équipe médicale accompagne les patients, et n'applique la sédation profonde que dans certains cas.
- "L'euthanasie n'est pas toujours concevable" -
Dans une tribune collective publiée le 7 avril 2021 dans le Figaro, les députés les Républicains s’opposent à "l’assistance médicalisée à mourir" car "la légalisation de l’euthanasie ne répond nullement au sentiment d’abandon des patients en fin de vie". "Je suis sur le plan moral et éthique" souligne David Lorion député les Républicains pour qui "l’injection d’une substance semble être suffisant". "La loi Claeys-Leonetti me convient car on n’est pas dans un acharnement thérapeutique et l’euthanasie n’est pas toujours concevable" ajoute le député LR.
Adoptée en 2016, la loi Claeys-Leonetti a permis un certain nombre d'avance. Les directives anticipées en font partie. Elles ne s’appliquent qu’à la fin de vie "et ne doivent être consultées que si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté". La désignation d'une personne de confiance est également autorisée. Elle doit capable de répondre à la question "qu’aurait voulu le patient ?". "La sédation profonde et continue jusqu’au décès" entre aussi dans ce cadre d’une fin de vie apaisée et n’autorise en aucun cas l’euthanasie ni le suicide assisté.
"La loi Leonetti permet d’encadrer la fin de vie même si elle reste imprécise. Elle permet d’éviter des soins disproportionnés mais il y a quand même des imperfections" indique le docteur Reuben Veerapen, vice-président du Conseil de l’ordre des médecins de La Réunion. " On est là pour accompagner le patient dans la douleur, pas pour faire de l’assistance active, il y a des étapes à franchir avant d’arriver à cela " ajoute Reuben Veerapen.
Pour le docteur Olivier Collard "Il faut poser les vrais questions pour répondre aux demandes des patients, pour les soigner et les soulager."
"Il y a eu un certain nombre d’évolutions des droits palliatifs" souligne le député socialiste Philippe Naillet. "La loi Kouchner 2002 prend en compte le patient et prévoit que celui-ci doit avoir un consentement libre et éclairé des actes et traitements qui lui sont proposés" note le parlementaire. Pour rappel la loi Kouchner propose deux principes liés : le consentement libre du patient aux actes et traitements proposés et son droit d’être informé sur son état de santé.
" L’avis de la famille n’est pas pris en compte " souligne Reuben Veerapen. En effet, la loi Kouchner permet uniquement à la famille de récupérer le dossier du patient. Quant à la loi Claeys-Leonetti qui donne au patient, le droit d’avoir une personne de confiance, celle-ci n’est pas toujours un membre de la famille. " Il faut impliquer davantage la famille car c’est elle qui connaît vraiment le patient, il faut donc agir pour mieux l'encadrer ", ajoute le vice-président du Conseil de l’ordre des médecins de La Réunion.
- "Les soins palliatifs n’apportent pas de réponses satisfaisantes" -
En l'état actuel des lois, un patient en état d’exprimer sa volonté a donc droit à une sédation profonde et continue dans les cas suivants"s’il est atteint d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire au traitement" et "s’il est atteint d’une affection grave et incurable et décide d’arrêter un traitement au titre de l’obstination déraisonnable, ce qui engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable".
Un patient incapable d’exprimer sa volonté a lui aussi le droit à une sédation profonde et continue "dans un contexte d’arrêt d’un traitement au titre de l’obstination déraisonnable, et après avoir mis en place la procédure de collégialité prévue par le code de déontologie".
Dans ce contexte, en avril 2018, le Conseil économique social et environnemental (Cese), a formulé 14 préconisations pour modifier la législation "car les soins palliatifs n’apportent pas de réponses satisfaisantes pour certains patients" explique Philippe Naillet. Selon le Cese "l’offre de soins palliatifs est inégalement répartie sur le territoire français et insuffisant pour répondre aux besoins actuels".
Cette instance recommande d’adopter une loi sur "les derniers soins" et développe trois points repris par le député Olivier Falorni. D’abord, la demande d’une sédation profonde létale "sous certaines conditions", à savoir la définition des conditions de recevabilité et des modalités d’évaluation de la demande du patient ainsi que l’acceptation ou le rejet de la demande par le.la médecin. Les deux autres points portent sur l’établissement d’un dispositif de contrôle a posteriori et "une clause de liberté de conscience permettant à toute personne de refuser ou participer" à l’administration d’une sédation profonde létale quel que soit son rôle.
Pour le docteur Olivier Collard, "il faut développer les soins palliatifs pour annihiler les demandes d'euthanasie au lieu de faire une loi sur du cas par cas."
- 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 d'euros d’amende -
Cette législation jugée trop rigide par les patients et leurs familles conduit ces derniers à choisir la voie du départ à l'étranger. ADMD Belgique (l’Association pour le droit de mourir dans la dignité) dévoile avoir reçu 354 ans demandes d’euthanasies venant de la France sur un total de 464, en 2017. L’association précise qu’il ne s’agit que "d’une petite partie des demandes" car d’autres personnes s’adressent directement à des médecins. "Il n’y a pas de statistiques véritables sur les Français qui passent les frontières pour être euthanasiés" souligne Philippe Naillet.
A bout de souffrances certains patients finissent par avoir recours à des filières clandestines. Elles regroupent des médecins, des associations et des citoyens voulant venir en aide aux patients atteints de maladies incurables. Une édition de l'émission "Envoyé spécial" tournée en 2019, suit le parcours de Christiane, 71 ans atteinte de la maladie de Charcot, et qui se fait euthanasier auprès de sa famille dans une structure en Belgique.
Une simple recherche sur internet a permis à son mari de trouver un sous-traitant qui organise toutes les opérations : contacter les médecins, mettre en place les visites et trouver un endroit pour le déroulement de l’euthanasie. D’autres patients ne font pas le voyage jusqu’aux pays où l’euthanasie est légale, à savoir, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse pour le suicide assisté et ont recours à des réseaux organisés illégalement en France pour être euthanasié, selon l'émission Envoyé spécial
Actuellement en France l’euthanasie est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende
Source : https://www.ipreunion.com/ VL / Photo RB