Inquiétude de la communauté médicale face à une situation encore très dégradée.
Après s'être entretenu avec les maires de l'île, le préfet Jacques Billant confirme son diagnostic : La Réunion montre des signes de "stabilisation". Une conclusion qui détonne avec les chiffres transmis la veille. 15 personnes ont perdu la vie des suites du Covid-19 en une semaine, 930 cas ont été recensés, le taux d'incidence est de 109, la part des variants représente plus de 60% des nouveaux cas. La communauté médicale, elle, reste inquiète et parle de situation encore "très dégradée".e
La Réunion n'est pas près de dire adieu à son couvre-feu. Ce mercredi 24 mars, alors qu'il rencontrait les maires de l'île, le préfet Jacques Billant a confirmé une prolongation du couvre-feu jusqu'au 5 avril maintenu à 18 heures, alors que plusieurs élus appelaient à le décaler à 19 heures.
Une mesure de vigilance qui n'est pas de trop au vu des chiffres du Covid dévoilés cette semaine. Le représentant de l'Etat et l'ARS parlaient ce mardi soir d'une situation épidémique "stable", un terme surprenant : les indicateurs restent dans le rouge. Alors le terme "stable" n'est-il pas un peu abusif ?
Devant les maires, les autorités sanitaires ont tout de même reconnu des taux élevés, notamment en ce qui concerne les hospitalisations. 86% des lits de réanimation sont occupés, "un taux soutenu mais gérable" d'après la directrice de l'ARS Martine Ladoucette. La moitié de ces lits sont occupés par des patients atteints du Covid-19.
- Faussement rassurant -
"Soutenu mais gérable" : cette expression résume finalement bien la situation actuelle. "Stabilisation, peut-être, mais sur un taux élevé" note simplement la docteure Christine Kowalczyk, présidente de l'Union des médecins libéraux. Plus radical, le docteur Alain Domercq quant à lui ne crie pas victoire, loin de là. "La stabilité est difficile à annoncer quand on voit que les dépistages ont baissé de 21% et que l'on détecte quand même plus de cas positifs. Cela peut vouloir dire que l'on a sous-estimé le nombre de nouveaux cas" estime le président du Conseil inter-régional de l'Ordre des médecins.
Pour le médecin, la situation "n'est pas rassurante" : "sur le petit pays qu'est La Réunion, ça peut exploser à tout moment" estime celui qui se base surtout sur la réponse d'Olivier Véran à l'Assemblée nationale. Le ministre de la Santé répondait à la députée Nadia Ramassamy, estimant que la situation de La Réunion reste "extrêmement tendue". "Le risque c'est d'être faussement rassuré en parlant de stabilité alors que les indicateurs ne sont pas rassurants" note Alain Domercq.
- "Pas d'explosion" -
Il semble que les termes choisis poussent à la plus grande confusion. "Je pense savoir ce que les autorités ont voulu dire" réfléchit quant à lui le docteur Reuben Veerapen, vice-président de l'Ordre des médecins. "Le taux d'incidence passe en effet de 106 à 109 pour 100.000 habitants : c'est une petite augmentation. Nous restons aussi dans les mêmes chiffres, autour de 900 contaminations par semaine. Mais la situation reste fortement dégradée." Le médecin préfère alors parler de "plateau très dégradé" que de "stabilisation".
Du côté de l'association des maires du département de La Réunion (AMDR), on estime que "de 106 à 109, on reste dans la même fourchette, il ne faut pas non plus juger que c'est disproportionné" nous dit Serge Hoareau, président de l'AMDR. "La situation est dégradée, mais mesurée, il n'a pas d'explosion" ajoute-t-il.
- Des décès qui inquiètent -
Deux indicateurs doivent être regardés de près selon Reuben Veerapen : "sur le plan des hospitalisations on observe qu'il n'y a pas de grosse tension comme avant. Nous ne connaissons plus de pics en réanimation avec 70 malades. Mais sur le plan des décès on voit que ça devient alarmant, avec une quinzaine de morts par semaine et une tranche d'âge impactée de plus en plus jeune. C'est un critère de gravité important" estime le médecin.
La donnée est inquiétante avec 15 décès liés au Covid enregistrés dans le dernier bilan des autorités. Parmi eux, 2 patients arrivés à La Réunion suite à une évacuation sanitaire. Le plus jeune patient décédé avait 45 ans. "Le nombre de décès est l'un des indicateurs les plus fiables, ici la donnée est très préoccupante" ajoute le docteur Alain Domercq.
- "Pas de promesses, mais des flacons" -
Seule solution viable, à la fois pour les politiques et le corps médical : vacciner. C'est dans ce sens que le Département a fait voter ce mercredi une motion appelant à accélérer la vaccination sur l'île. Les élus départementaux, qui jugent que la situation de l'île reste "inquiétante", réclament le vaccin Johnson and Johnson au plus vite et une augmentation des centres de vaccination. L'ARS a justement fait part de l'ouverture d'un 9ème centre prochainement. L'agence de santé vise un objectif de 75.000 personnes ayant reçu au moins une première dose au 1er mai.
"Nous ne voulons pas des promesses, nous voulons des flacons" déclare le docteur Alain Domercq, alors que les médecins se préparent à administrer le Pfizer dans leur cabinet. D'ici le 5 avril, une cinquantaine de médecins devraient pouvoir injecter le vaccin sur l'île, ainsi que 25 pharmacies.
Source : https://www.ipreunion.com /MM / Photo RB