Un an de Covid ce que la pandémie nous a appris.
Cela fait un an jour pour jour que le Covid-19 est à La Réunion. Le 11 mars 2020, le tout premier cas importé était déclaré sur notre département. Un an plus tard, près de 14.000 cas cumulés sont enregistrés et le virus a fait du chemin, entre confinement et couvre-feu, variants, vaccination... et surtout polémiques en tout genre. Si la pandémie nous a bien appris une chose, c'est à quel point une crise sanitaire peut nous diviser.
Fraternité. Ce mot fait partie des trois grandes valeurs de notre devise républicaine. Pourtant la fraternité a bien souvent été malmenée durant cette année de pandémie à La Réunion…
Il y a eu les belles actions, les gestes incroyables de solidarité. Comme ces petites mains fabriquant des masques en tissu quand l'île en manquait cruellement. Comme ces repas portés à domicile pour éviter aux gramoun confinés de faire la queue devant le supermarché. Comme ces espaces temporaires mis à disposition des sans abris dans certaines communes.
Et comme les évacuations sanitaires visant à prendre en charge nos voisins mahorais dévastés par deux fois par le Covid-19. Pourtant ces opérations sanitaires au nom de la "solidarité régionale" n'ont pas fait l'unanimité. Et l'exemple, récent, de quatre patients mahorais évacués vers la Métropole est plus que criant.
Ainsi certains se cachent volontiers derrière un pseudonyme et ce très pratique anonymat qu'offre internet pour se permettre les pires réflexions. Le "Mahorais" deviendrait presque un gros mot, et certains lui préfèrent des "bann zafèr" comme pour décrire des pestiférés déshumanisés qui n'auraient même plus droit à une identité.
Les Mahorais seraient même la cause de notre couvre-feu à en croire d'autres. C'est de leur faute si les lits de réanimation sont saturés, de leur faute si le variant sud-africain est arrivé à La Réunion, de leur faute si les cas de Covid ont augmenté chez nous, de leur faute si on en vient à évacuer vers la Métropole malgré le coût d'une telle opération, de leur faute si on fait venir des renforts médicaux de l'Hexagone. Le Mahorais serait la cause de tous nos malheurs, quand nous n'aurions rien à nous reprocher ?
Si la hausse des contaminations est aussi, n'en déplaise à certains, de notre fait, la flambée du virus à Mayotte a manqué de gestion et le fautif ce n'est pas le Mahorais, c'est celui qui le dirige : le gouvernement français. Ce même gouvernement qui, malgré les demandes des élus, n'a pas jugé nécessaire d'installer un hôpital militaire chez nos voisins. Ce gouvernement qui n'a pas jugé utile d'affréter à nouveau le Mistral, ce bâtiment militaire déjà utilisé une première fois à Mayotte mais pas une deuxième, malgré le fait que la deuxième vague soit plus meurtrière que la première. Bref, ce gouvernement qui laisse le 101ème département de France avec ses bidonvilles, ce gouvernement qui oublie bien trop souvent les Outre-mer sur ses cartes, ou qui parfois y pensent en les mettant à l'envers…
C'est aussi ce que nous a appris la pandémie : Mayotte comme les autres territoires ultramarins sont bien loin de l'Hexagone. Alors on y pense parfois au moment de parler coronavirus dans les infos nationales. On y pense trop tard quand il faut envoyer des renforts humains ou matériels. On y pense peu quand on fait la liste des départements les plus marqués "de France" en oubliant des territoires plus marqués encore, mais qui sont perdus à l'autre bout du globe. Ou quand on déclare que "la France entière" est reconfinée sans penser que les Outre-mer ne sont pas concernés.
Cette stratégie si on peut la nommer ainsi, il faut le dire, n'a pas aidé les préfets des Outre-mer. Très vite, il a été décidé au plus haut sommet de l'Etat de "territorialiser" la gestion de crise, en différenciant d'abord la Métropole des Outre-mer. Aux préfets alors de décider d'instaurer un couvre-feu ou de reconfiner. Un choix logique du fait des caractéristiques très différents de ces territoires, mais lourd de responsabilité pour ces représentants de l'Etat. Occasionnant, immanquablement, des ratés, des erreurs de communications, et un mécontentement quasi constant, quelle que soit la décision prise...
Car comme chaque crise - à commencer par celle des gilets jaunes - un événement de cette ampleur, et qui plus est s'inscrit dans le temps, réveille bien souvent la colère enfouie. Colère qui ressort quand des bateaux de croisière s'approchent un peu trop près ou que les avions sont trop nombreux dans le ciel. Colère qui pousse aussi à devoir toujours choisir un camp, qui pousse à dire pour ou contre, tout le temps. Pour ou contre le masque, pour ou contre la chloroquine, pour ou contre le confinement, pour ou contre le vaccin...
La pandémie nous a appris une chose essentielle : que nous ne sommes pas invincibles et qu'une maladie peut tout écraser sur son passage et fragiliser l'économie mondiale.
Il y aura un avant et un après 2020.
Et bien que 2021 commence mal, espérons que cette année devienne l'occasion d'effectuer une véritable introspection cette fois, jusqu'à se demander si la survie de nos voisins n'a pas un peu plus de valeur qu'un verre en terrasse dont nous devons nous priver pendant quelques semaines...
Source : https://www.ipreunion.com/ MM / Photo RB