Virus mutant contaminations en Afrique du Sud, inquiétude à La Réunion et Mayotte.
On le nomme 501Y.V2. Un numéro un peu barbare pour désigner le variant sud-africain de la Covid-19. Une souche bien plus contagieuse que le virus que l'on connaît jusqu'ici. Mais malgré le danger qu'il représente en Afrique du Sud, et l'inquiétude à Mayotte et La Réunion, le variant sud-africain fait encore bien peu parler de lui. Pourtant la menace, elle, est bien réelle.
C'est le Conseil scientifique qui le dit : le variant sud-africain de la Covid-19 est une source d'inquiétude pour La Réunion. Le nombre de cas de Covid-19 est relativement stable sur notre département, malgré les fêtes, mais cette nouvelle souche à nos portes pourrait faire des ravages si elle passait la frontière.
Et si l'on parle principalement de la souche britannique du coronavirus dans les médias nationaux, le variant détecté en Afrique du Sud est tout aussi contagieux, bien plus que le virus d'origine. Sans savoir si le vaccin sera suffisamment efficace...
- Un virus mutant agressif
Rappelons qu'en France hexagonale, ce virus mutant a déjà été détecté sur trois personnes. Celui-ci est proche du variant anglais en ce sens qu'il est extrêmement contagieux. "Ce nouveau variant pourrait aussi présenter un plus fort risque de ré-infection. Nous attendons d'avoir davantage d'éléments mais c'est une réelle inquiétude" indique la bio-informaticienne Houriiyah Tegally à l'AFP, qui travaille au sein de l'équipe qui a identifié le variant sud-africain.
Les explications sont difficiles à trouver, alors que plus d'un an après la détection des premiers cas de Covid-19 en Chine, différentes souches apparaissent de part et d'autre du globe. Le Japon lui aussi semble faire face à un nouveau variant. Pour Houriiyah Tegally, "la théorie la plus probable est qu'il soit venu de patients immuno-déprimés, dont le système immunitaire a plus de mal à supprimer les infections. Donc le virus se reproduit beaucoup plus chez ces patients, c'est ainsi qu'il peut se transmettre plus facilement".
Au début, le variant représentait 20% des échantillons, jusqu'à atteindre 80% des cas positifs, "mais nous poursuivons nos analyses sur plus de cas en janvier et ne serions pas surpris si nous nous approchions de 90% ou même plus" ajoute encore la bio-informaticienne.
Malgré l'agressivité du virus, celui-ci ne semble pourtant pas préoccuper grand monde... "Sans les scientifiques sud-africains, nous n'aurions peut-être jamais entendu parler de ce nouveau variant. Les gens continueraient à tomber malade et nous ne saurions pas pourquoi" note Houriiyah Tegally.
- La Réunion sous la menace du variant ?
L'Afrique du Sud est loin, bien loin de l'Europe et des médias français nationaux qui ne parlent que de la souche britannique. Interrogé par franceinfo ce mercredi 13 janvier 2020, le président du Conseil scientifique, le professeur Jean-François Delfraissy, a tenu à revenir tout de même sur le variant sud-africain et les craintes qu'il suscite.
Après la découverte de trois cas en Métropole, il affirme : "notre inquiétude porte beaucoup aussi sur La Réunion et sur Mayotte puisqu'il y a beaucoup de liens entre l'Afrique du sud et ces territoires".
Interrogée, l'ARS de La Réunion ne souhaite pas s'étendre sur le sujet puisqu'une conférence est prévue vendredi 15 janvier à 17h. "Le sujet (y) sera développé" nous informe l'agence régionale de santé qui assure prendre la question "au sérieux".
Le président du Conseil scientifique pour sa part recommande le moins de déplacements possibles entre notre département et l'Afrique du Sud. "Il faut sûrement restreindre nos relations avec l'Afrique du sud, c'est vrai pour la Métropole, ça l'est encore plus pour La Réunion et Mayotte" a-t-il déclaré sur franceinfo.
« Jean-François Delfraissy se positionne sur la fermeture des frontières avec l'Afrique du Sud. "C'est vrai pour la métropole, c'est encore plus vrai pour La Réunion et Mayotte", ajoute-t-il. »
- Prudence sanitaire en mer
Dès le 24 décembre, les autorités sanitaires se sont mobilisées sur notre département face au variant sud-africain. La suspension des liaisons aériennes entre l'Afrique du Sud et La Réunion est maintenue et la vigilance est renforcée pour les arrivées de navires.
Deux obligations : "réalisation d’un test RT-PCR, avec résultat négatif, préalablement à toute autorisation de débarquement d’un passager" et "soumission de l’ensemble des personnels de navigation à la réalisation d’un test RT-PCR, avec résultat négatif, avant toute intervention à bord des personnels portuaires en charge des opérations de chargement et déchargement" comme l'indique l'ARS de La Réunion. En cas de résultat positif, le confinement à bord est mis en œuvre.
Contacté, le Grand port maritime confirme que ces mesures sont toujours appliquées, sous la houlette de la Direction de la mer (DMSOI) et donc de la préfecture, et de l'ARS. "Les tests sont obligatoires avant toute entrée au port. La règle est toujours appliquée, elle l'a été pas plus tard que la semaine dernière" nous indique le Grand port maritime. Il faut dire que les va-et-vient de navires sont fréquents entre l'Afrique du Sud et notre département.
- Mayotte surveille son voisin comorien
À Mayotte, la menace sud-africaine se fait encore plus sentir, tandis que l'île de Mohéli, dans l'Union des Comores, pourrait être touchée par le variant sud-africain. L’ARS de Mayotte "a envoyé trois glacières à l’institut Pasteur à Paris avec des échantillons prélevés sur différents types de personnes positives" relate France Mayotte matin. Les résultats sont attendus en fin de semaine.
Lire aussi : Comores : l'île de Mohéli frappée de plein fouet par la Covid-19
Si le variant est détecté à Mayotte, la directrice de l'ARS locale Dominique Voynet affirme que "le système de santé est prêt : "nous avons un 'plan rebond' à l’hôpital pour accueillir plus de patients si nécessaire". Au cours d'une audioconférence, elle a également indiqué avoir demandé du renfort à la réserve sanitaire pour "tester toutes les personnes revenant des Comores par voie maritime comme aérienne" relaie France Mayotte Matin.
A noter que la campagne de vaccination ne pourra commencer qu'après le 22 janvier sur l'île aux parfums, date de réception des 975 doses qu'attend Mayotte, accompagnées d'un congélateur pour les conserver à -80 degrés.
Du côté des Comores et notamment de Mohéli, frappée de plein fouet par la Covid-19, toujours aucune confirmation de la présence ou non du variant sud-africain. Mais la circulation virale le laisse penser. "Nous n'avons jamais vu une telle vitesse de propagation. Des signes laissent penser qu'il s'agit du variant sud-africain, ça y ressemble beaucoup. Mais nous attendons encore une confirmation de la part des laboratoires" indique le secrétaire général du minsitère de la Santé aux Comores, Jean Youssouf. D'autres échantillons sont régulièrement envoyés dans les laboratoires partenaires des Comores, en Afrique du Sud et au Kenya.
Interrogé par le député Jean-Hugues Ratenon en commission des affaires sociales, le ministre de la Santé Olivier Véran a dit "suivre la situation aux Comores de très près" sans garantir la présence du variant sud-africain, qui n'a pas encore été vérifiée. Il rappelle que des analyses sont faites en laboratoire par les chercheurs pour détecter la présence (ou non) de cette souche "en Métropole comme dans les territoires ultramarins" : "nous mettons toutt en oeuvre pour empêcher la diffusion de ce variant".
- Un vaccin efficace ?
S'il est quasiment certain que le vaccin actuellement développé par les laboratoires Pfizer et Moderna saura neutraliser le variant britannique, après les analyses effectuées, rien n'affirme qu'il sera efficace sur la souche sud-africaine. "Nous ne savons pas encore" a déclaré très simplement le président du Conseil scientifique sur franceinfo. "Les niveaux d'anticorps nécessaires paraissent légèrement plus élevés que ce qu'on peut observer avec le variant anglais. On ne sait pas si le vaccin marchera".
Les scientifiques sont actuellement en attente de résultats, ce que confirme la bio-informaticienne Houriiyah Tegally. "Nous avons envoyé des copies du virus à des laboratoires dans le monde entier pour des tests. Pfizer a publié des données indiquant que son vaccin fonctionne, mais il s'agissait d'une expérience très limitée. Nous avons toutefois bon espoir car les vaccins sont censés être à large spectre mais pour l'instant nous devons encore attendre et voir."
Source : http://www.ipreunion.com/ MM / Photo RB