Suivi médical garder le lien pour lutter contre l'alcoolisme pendant le confinement.
Les patients pris en charge en téléconsultation
Alors que le confinement dure depuis plus de trois semaines maintenant, l'enfermement peut porter un coup dur à la santé mentale de chacun. Mais ces temps peuvent être encore plus compliqués pour ceux souffrant déjà de troubles psychiatriques et/ou addictifs. Afin de pallier l'isolement des personnes souffrant de diverses addictions, dont l'alcool, qui est un véritable fléau à La Réunion, le service d'addictologie du CHU maintient le lien avec ses patients.
"A part pour de rares cas, tout se fait actuellement par téléconsultation" explique le docteur David Mété, chef du service d'addictologie du CHU du Nord. "Rien que ce mardi, j'ai passé mon après-midi à appeler mes patients pour discuter avec eux, m'assurer que tout allait bien" continue-t-il. Chaque année, ce sont environ 800 patients qui sont pris en charge dans son service.
"Certains nécessitent une à deux visites par an, d'autres tous les mois. Ce qui est sûr, c'est qu'en ces temps de confinement, avec la solitude, il peut devenir extrêmement compliqué de se battre contre son addiction" explique le spécialiste. En période de stress, d'enfermement et de solitude, la tentation de retrouver ses vieux démons peut être exarcébée, d'où l'importance de maintenir un lien avec le service hospitalier.
L'addictologue indique par ailleurs que ces téléconsultations sont nécessaires, certains patients n'ayant pour contact que leur soignant. "De plus, nous assurons le lien avec les pharmacies quand ils ont besoin de leurs médicaments" continue-t-il.
- Un week-end particulièrement alcoolisé -
A l'échelle nationale, s'il a été noté une baisse de la consommation d'alcool depuis le début du confinement, cela ne reflète pas la réalité des personnes souffrant d'alcoolisme. "Il faut d'ailleurs noter que les personnes alcooliques souffrent généralement de comorbidités (présence d'un ou de plusieurs troubles associés à un trouble ou une maladie primaire ; ndlr), et on trouve souvent chez ces personnes des troubles anxieux ou dépressifs" souligne le Dr Mété.
Par ailleurs, une augmentation de la consommation d'alcool a été notée ce week-end par les forces de l'ordre réunionnaises. Cependant, il s'agirait plus d'une conséquence du versement des salaires et allocations sociales que de conséquences liées au confinement.
"Il existe une réelle corrélation entre ces rentrées d'argent mensuelles et l'explosion de la consommation d'alcool dans l'île tous les mois" affirme le Dr Mété. Un fait confirmé par la gendarmerie, qui indique que le week-end dernier, une nette augmentation de la consommation a été relevée, comme tous les mois à la même période. A Bras Panon, trois personnes sont d'ailleurs tragiquement décédées des suites d'une alcoolisation extrême.
- Une limitation de vente qui devrait être bénéfique -
Pour pallier cette surconsommation, la préfecture a mis en place un arrêté le 2 avril pour interdire la vente d'alcool après 17h. Une initiative saluée par le Dr Mété. "Cela peut avoir un effet bénéfique, notamment sur les violences intrafamiliales. Beaucoup n'achètent qu'une boisson à la fois, et les lieux où les plages horaires de vente d'alcool sont limitées montrent des résultats positifs sur la consommation" explique-t-il.
Toutefois, il admet que cela peut aussi avoir l'effet inverse, avec un achat en grande quantité de boissons afin de "stocker", et donc observer une consommation plus élevée qu'à l'habituel sur une période de temps plus courte.
Le Dr Mété insiste en tout cas sur l'importance de la continuité des soins en addictologie pendant cette période difficile. Il alerte par ailleurs le CHU et l'ARS sur l'importance de la problématique, régulièrement mise de côté même en temps normal. "Il est essentiel de pouvoir soutenir nos patients, particulièrement maintenant" termine-t-il.
Source : http://www.ipreunion.com/ / Photo RB