On ne parle plus assez du VIH
Alors que le Sida court toujours, le sujet n'est plus évoqué qu'à l'occasion de journées de sensibilisation, insuffisantes pour faire reculer cette maladie. La médecine a pourtant fait d'énormes progrès, mais le dépistage reste le gros point noir de cette guerre sans merci.
Douze affiches, douze couples, deux messages : se protéger et de faire dépister. Pour la deuxième année consécutive, l’association Narike M’sada a lancé vendredi sa campagne de sensibilisation. L’année dernière, l’association avait créé la surprise en trouvant 12 couples qui ont posé à visage découvert pour cette campagne d’affichage. Cette année, elle a réitéré l’exploit. L’idée de base, en montrant des couples et en lançant cette campagne à la Saint-Valentin, c’est de jouer sur “l’amour, car quand on aime quelqu’un, on le protège” résume Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association.
Pour ces couples qui ont accepté de se prêter au jeu, c’était un défi. “Il y a un avant et un après” constate le directeur. Car dans les familles et dans les villages, participer à une telle campagne, c’est aussi briser un tabou, voire être pointé du doigt. Un tabou que confirme Ben El-Sadate, un des visages de la campagne 2020.
« Il y a le poids familial, on se demande si on sera encore accepté, il y a la peur de représailles. Et puis il y a le qu’en dira-t-on dans les villages. Enfin dans un couple, si l’un des deux propose de se faire dépister, se pose immédiatement la question de l’infidélité et de la confiance ».
Lui et sa compagne ont décidé de se faire dépister le jour de leur mariage, publiquement, devant le maire. Un pied-de-nez aux préjugés tenaces sur cette maladie chronique.
Pourtant, le dépistage est primordial. “Plus on est dépisté tôt, mieux c’est” rappelle Moncef Mouhoudhoire. En effet, le VIH, “synonyme de mort il y a 20 ans” se soigne désormais plutôt bien. Et si on ne sait pas encore comment éliminer le virus, la médecine a suffisamment progressé pour offrir, moyennant un cachet par jour, une charge virage indétectable. C’est à dire que le patient infecté peut vivre normalement, sans risque de contaminer son partenaire ou son enfant à naître. Un sacré progrès depuis les années 1990.
Tous concernés !
Malgré cela, ce nombreux patients potentiels échappent aux statistiques, refusant de se faire dépister. Selon Narike M’Sada, le nombre de cas suivis au CHM oscille depuis des années entre 200 et 250, au gré des départs et des nouveaux cas, estimés chaque année à une trentaine. Le dépistage systématique des femmes enceintes tire ce chiffre vers le haut, puisque 60% des dépistés positifs sont des femmes. Signe que les mentalités évoluent peu à peu, pour la première fois de son histoire, le CHM a atteint en 2019 la barre des 300 patients suivis, avec un pic à 325 patients en 2019. Un chiffre qui reste sans doute bien loin de la réalité. Les freins personnels, culturels, et la pression sociale, dissuadent beaucoup de patients potentiels de se faire dépister, ces derniers restent donc contagieux, et risquent de développer le Sida (phase mortelle de l’infection au VIH lors de laquelle le virus détruit les défense immunitaires du patient) et de mourir de la maladie. Beaucoup d’habitants gardent aussi cette impression véhiculée dans les années 1990 que le virus serait apporté par “les Africains” et ne se sentent pas concernés. Or, les Mahorais voyagent de plus en plus, et le virus touche des patients de toutes origines sur l’île.
“La clé, c’est le dépistage” martèle donc Moncef Mouhoudhoire. Et si le passage chez le médecin et dans un labo peut être un frein, des kits de diagnostic rapide sont disponibles dans les locaux de l’association à Cavani.
Source : https://lejournaldemayotte.yt/ YD