Paroles d'infirmiers !
Ils sont infirmiers en libéral, en milieu hospitalier ou scolaire. Ils racontent leurs parcours, la vision du métier et leurs espoirs. Entretiens avec Anne-Laure, Emmanuelle, Sébastien et Marie.
Anne-Laure, infirmière libérale : “Être libre et autonome correspond à ma personnalité
J'ai été diplômée en 2005, j'arrive de Normandie où j'ai travaillé dans une clinique puis dans un hôpital. Un ensemble de coïncidences a fait que j'ai testé le libéral. J'ai ensuite ouvert mon cabinet avec un associé et un remplaçant et je me suis installée à la Ravine des Cabris. Ce que j'aime dans mon métier, c'est être libre, autonome. Cela correspond à ma personnalité. Le libéral m'a aidée car il m'a apporté un net équilibre familial. Mais il n'y a pas que des avantages ; on n'a pas de congés, pas d'indemnités quand on est malade, on est payé à l'acte. Je bossais un week-end sur deux mais depuis que j'ai des activités syndicales, je ne bosse plus qu'un week-end par mois car il y a beaucoup de réunions. J'apprends (…) et j'ai redonné du sens à ma pratique. Après le syndicat, je suis contente de retrouver mes patients. Il n'y a pas de chichi. On fait souvent plus que le soin, on accompagne les gens. Chez les personnes âgées, beaucoup ne savent pas lire et on se retrouve parfois à leur lire des courriers administratifs. Et on le fait avec cœur.
Emmanuelle Bourjalliat, infirmière de santé au travail : “Dans mon domaine, on ne fait que de la prévention !”
Depuis 2014, en tant qu'infirmière de santé au travail, sous l'autorité du médecin, je participe au suivi médical des salariés en les recevant en rendez-vous. Je participe aussi à des actions de prévention dans le milieu du travail. Dans mon domaine, on n'est pas dans le soin ou le curatif, on ne fait que de la prévention. Le but du jeu, c'est d'éviter que le travail n'abîme nos salariés. Si jamais ils ont un problème de santé, nous faisons en sorte qu'ils restent le plus longtemps dans leurs fonctions et dans les meilleures conditions. Notre rôle consiste aussi à aider l'employeur à rendre l'entreprise plus sûre, en réduisant au maximum les risques.
La société a changé, la démographie médicale aussi. Ma spécialité a également beaucoup évolué en très peu de temps. Avant 2012, les infirmières en santé travail n'avaient pas de consultation. En 2012, l'instauration de l'équipe pluridisciplinaire en santé travail a renforcé l'équipe médicale. Désormais, nous épaulons les médecins pour remplir leurs missions. Et la loi El-Khomri, en 2017, a augmenté notre champ d'action, en nous permettant de voir certains salariés dans le cadre des visites d'embauche (VIP). Cela nous permet aussi de les suivre sur le long terme, à la place du médecin, sauf s'ils en font la demande.
Je suis infirmière depuis 21 ans. J'ai fait de l'hospitalier, du libéral, de l'humanitaire. Ce qui est fantastique dans cette profession, c'est qu'on a la possibilité de l'exercer de différentes manières et à chaque fois, on a l'impression de faire un autre métier. Ce métier polymorphe peut permettre de lutter contre un épuisement professionnel.
Une révision de notre décret de compétences, qui date de 2004, pourrait être intéressante. Pour mes collègues soignantes, il y a eu pas mal de glissement de tâches. Il faudrait le remettre au goût du jour.
Sébastien Vinel , infirmier hospitalier : “On est l'un des métiers les plus valorisés, avec les pompiers”
Je suis infirmier hospitalier au CHU de Saint-Pierre depuis quatre ans. J'ai fait toute ma carrière au sein des hôpitaux, depuis une vingtaine d'années, en métropole puis à La Réunion. Je suis le cadre du service d'hygiène et en tant que responsable de service, je ne suis pas directement dans les soins, mais plus dans l'organisation. Je viens en aide aux services qui ont des difficultés pour l'organisation, la mise en place de mesures lors de l'accueil de patients spécifiques… On intervient en support, avec tous les services de l'hôpital, on a donc un rôle transversal. De plus, on écrit pas mal de protocoles, de procédures et quand il y a du nouveau matériel par exemple, on va le tester avant de le mettre en place. Je fais également beaucoup de formation initiale et continue en hygiène. Ça me paraît essentiel qu'on puisse former les gens à ce domaine pour qu'ils puissent effectuer leurs soins de manière sécurisée. Le jeune infirmier qui sort de son diplôme n'a pas forcément un œil d'expertise, nous sommes là pour l'aider à acquérir toutes ces notions.
"On ne peut pas rester dans l'ombre"
La Grande consultation menée en ce moment permet d'enclencher quelque chose de positif notamment pour les nouveaux infirmiers à venir. Car le métier évolue et on doit développer nos compétences. Il faut que la législation évolue elle aussi dans les sens des infirmiers. On ne peut pas rester dans l'ombre et continuer à faire des choses sans qu'elles soient vraiment validées et inscrites dans nos statuts. Il ne faut pas se leurrer, il y a un contexte financier, surtout pour les libéraux : si on leur donne des compétences supplémentaires, ils devront les facturer.
A La Réunion, l'autre difficulté concerne les possibilités de formation de spécialisation qu'on est obligées de suivre actuellement en métropole. Les formations en e-learning sont encore trop rares, c'est un côté un peu limitant.
Contrairement à d'autres de mes confrères, je ne ressens pas forcément le manque de reconnaissance car j'estime que l'on est l'un des métiers les plus valorisés, avec les pompiers.
Marie, infirmière de santé scolaire : “J'ai toujours aimé les soins”
Cela fait plus de 15 ans que je suis infirmière scolaire. Avant, je travaillais dans un hôpital. J'ai affaire à des enfants de la grande section à la 3e. Les problématiques rencontrées sont différentes selon l'âge des enfants. L'obésité est présente dès le plus jeune âge à la Réunion, bien plus qu'en métropole. On peut sensibiliser les petits et agir sur les repas. On doit éduquer les papas et les mamans à ce sujet. Il est nécessaire d'agir car l'obésité est encore plus présente chez les collégiens. L'association nouveau mode alimentaire - moins d'activités physiques - moins de partage de repas ensemble - les écrans y est pour beaucoup. Au collège, on constate malheureusement un grand nombre de grossesses précoces. Les jeunes testent les drogues (le zamal ou encore la cigarette chimique, les mélanges de boissons...). On a remarqué qu'un enfant équilibré ne va jamais vers ces drogues.
"Métier de plus en plus complexe"
On écoute aussi beaucoup et cela montre que les jeunes ont envie de s'exprimer. Ils déplorent le manque de dialogue à la maison et racontent les violences intrafamiliales. Les langues se délient donc de plus en plus. On se rend compte que l'agressivité et la violence s'accentuent chez les jeunes. Ces troubles du comportement s'observent surtout chez ceux qu'on appelle des cas sociaux. On a aussi plus de tentatives de suicide mais là, tout le monde est concerné. La souffrance des ados est quelque chose qui m'a toujours touchée. Notre métier est donc de plus en plus complexe mais je n'ai jamais senti un manque de reconnaissance. J'ai toujours bien collaboré avec mes collègues ou avec ma hiérarchie. Ce que je trouve dommage dans mon métier, c'est le fait que nous n'avons pas accès au dossier du patient, à part pour les enfants diabétiques où la liaison se fait très bien. Pour un enfant qui a des soins psychiatriques, on n'a pas de dossier alors qu'on a toute une classe à rassurer. On oublie souvent la place de l'infirmière scolaire..
Source : https://www.clicanoo.re J.P-B. et J.C / photo CR