Santé Publique France mène une vaste enquête de santé à Mayotte. C'est une première. Mais le manque de communication en amont a généré des peurs parmi la population et les refus de prélèvement se multiplient.
Lorsque l’on frappe à notre porte, on aime généralement bien savoir pourquoi. Surtout si la personne vient nous demander des informations aussi personnelles que celles liées à la santé. Depuis une paire de semaines, Santé Publique France, organisme public, mène à Mayotte une enquête inédite auprès de la population, basée sur des questionnaires et des prélèvements.
Mais des inquiétudes dans la population freinent ce travail de longue haleine. En cause, un manque de communication en amont.
“Santé Publique France prend en charge la communication, explique Eric Roussel, infirmier libéral et responsable à Mayotte de l’URPS, l’union régionale des professionnels de santé, qui chapeaute l’action des infirmiers dans cette enquête. Or, il a été décidé au niveau de l’URPS d’attendre le communiqué de Santé Publique France pour communiquer à notre tour. Santé Publique France de son côté, voulait attendre que l’enquête ait débuté pour communiquer.”
Rapidement, l’infirmier a perçu les conséquences que cela pourrait avoir.
“Nous, infirmiers libéraux, sommes très impliqués dans ce qui se passe au niveau de nos partenaires car on est directement impactés au niveau de l’accueil, de l’acceptation et du consentement préalablement recueilli”.
Pour rappel, l’enquête se déroule en deux temps, d’abord un enquêteur passe au domicile remplir un questionnaire et recueillir le consentement de la personne pour un examen médical, puis quelques jours après, des infirmiers viennent effectuer un prélèvement sanguin, ainsi qu’un prélèvement vaginal ou urinaire, que le patient effectue lui-même.
Mais tout ne se passe pas toujours aussi simplement.
Il y a quelques jours, une dame appelait inquiète nos confrères de Mayotte Première pendant la matinale, protestant contre une demande de prélèvement sanguin effectuée à son domicile par des inconnus. En l’absence de plus d’informations, le journaliste au bout du fil lui a naturellement conseillé de refuser, avant de recevoir des explications du coordinateur de l’enquête. Mais le mal était fait.
Une hausse des refus
“Depuis l’annonce à la radio, on a une augmentation notable des refus. La première semaine on a eu un seul refus pour 40 visites. La deuxième semaine, c’était une dizaine de refus” déplore Florence Sangare, infirmière elle aussi, , et coordinatrice de l’enquête terrain.
Difficile pour ces infirmiers de comprendre ce couac. “Est-ce que l’information préalable n’a pas été claire ? L’enquêteur donne toutes les informations de consentement avec le questionnaire qui dure 30 à 45 minutes, y a-t-il eu confusion dans le flux d’informations ? En tout cas l’URPS et les infirmiers regrettent ce qui s’est passé, cette inquiétude par manque d’information” poursuit Eric Roussel.
D’autant qu’au début tout se passait bien. “On a fait une enquête de terrain en août, illustre Florence Sangare, avec tout le matériel, on est bien identifiés, les gens savent pourquoi on est là, on rentre et on leur explique comment on procède, les mesures, la tension, le prélèvement sanguin puis le prélèvement vaginal ou urinaire. Là c’est de l’autoprélèvement, on leur explique comment procéder eux meme .
Suite à cela, les résultats de chacun, recueillis de manière anonymes avec un système de code barre, peuvent être récupérés auprès de son médecin ou d’un dispensaire.
“Pour la majorité des gens, on a un bon accueil, constate l’infirmière, globalement au départ les gens étaient contents d’avoir un bilan de santé gratuitement. Mais après cet incident, il y a eu plus de réticence pour le prélèvement sanguin et l’autoprélèvement.”
Si cette étude est importante, et que la participation du plus grand nombre est d’intérêt public, il est toutefois précisé sans ambiguïté que le consentement donné aux enquêteurs peut toujours être révoqué d’un simple “non” aux infirmiers. “Les gens ont le droit de revenir sur leur consentement, il suffit de dire non à l’infirmier, il n’y a aucune obligation” poursuit-elle. “Il aurait fallu communiquer à la télé et à la radio comme pour la campagne de vaccination, ça aurait été plus simple et ça aurait fait moins peur. Si les gens ne savent pas ce qu’on va faire, ça crée une appréhension. Il y aurait moins de refus si les gens comprenaient les tenants et les aboutissants de la chose” conclut-elle
Source : https://lejournaldemayotte.yt Y D - 20 décembre 2018