Développé en 2015 par le Pr Guillaume Vaiva du CHRU de Lille, le dispositif VigilanS est désormais lancé à La Réunion. Présent sur l’île à l’occasion des XIèmes Journées de la Psychiatrie dans l’Océan Indien, le Professeur Guillaume Vaiva, au cours d’une conférence de presse à l’Etablissement Public de Santé Mentale de la Réunion le mercredi 14 novembre 2018, a présenté les grandes axes de ce dispositif de prévention de la récidive du suicide qui a permis une diminution de 13,4% des passages aux urgences de Lille pour tentative d’autolyse et quasiment autant de taux de mortalité en moins. A La Réunion, c’est le Dr Eric Gokalsing, psychiatre, qui est le médecin référent du dispositif VigilanS.
Tienbo, nou lé la ! La phrase qui accompagne le logo réunionnais du Dispositif VigilanS définit à elle seule le projet : suivre pendant six mois le patient sorti d'hospitalisation après une tentative de mettre fin à ses jours. Et ils sont nombreux, ces patients. Selon l'Observatoire Régional de Santé (ORS), 800 personnes à La Réunion tenteraient de mettre fin à leurs jours chaque année.
"Mais ce sont des chiffres qui ne reflètent pas la réalité", relativise le Dr Eric Gokalsing, psychiatre et coordinateur de VigilanS à La Réunion. Selon lui, il faudrait multiplier par deux ce chiffre. Outre que certaines tentatives peuvent passer outre l'hospitalisation et donc ne pas être décomptées, les personnes qui arrivent aux urgences après avoir essayé de s'ouvrir les veines peuvent être enregistrées comme victimes d'une blessure à l'arme blanche sans que soit précisée l'intention d'autolyse. "Auquel cas, l'acte n'est pas codé comme une tentative de suicide et ce patient échappe aux statistiques", explique le Dr Eric Gokalsing.
La Réunion plus touchée par le suicide que les autres DOM
Quoi qu'il en soit, les chiffres de l'ORS sont inférieurs à la métropole mais supérieurs aux autres DOM : ainsi, on décompte 86 suicides à La Réunion chaque année dont 83% sont des hommes âgés de 15 à 30 ans. Ce qui représente 10,7 suicides pour 100 000 habitants, contre 10,4 en Martinique, 10 en Guyane et 5,5 en Guadeloupe.
Pour les tentatives non abouties, on décompte 1200 hospitalisations par an, qui concernent pour 62% des femmes, pour 38% des hommes. Là encore, la moyenne d'âge est de 15 à 30 ans.
La méthodologie du dispositif
"VigilanS, c'est rester en veille active. Montrer au patient qu'on est dans l'inquiétude pour lui", souligne le Pr Guillaume Vaiva. "On sait que le moment de la sortie d'hospitalisation est un moment particulièrement à risque de récidive : 40% des patients qui sortent vont décidiver et souvent dans l'année qui suit. Il faut donc rester enI veille, mais une veille qui est acceptable pour le patient. On doit manifester le souci qu'on se fait pour lui, ne pas envahir sa vie pour que ça ne devienne pas intolérable pour lui".
Alors comment faire ? Dans le dispositif VigilanS, le patient reçoit une carte portant un numéro vert, qu'il peut composer s'il se sent en rechute. Parallèlement, une équipe va l'appeler à partir du dixième jour après sa sortie et impérativement avant la fin de la troisième semaine.
Si, pour des raisons diverses et variées, le patient ne peut pas être joint au téléphone, l'équipe VigilanS va lui envoyer une carte avec quelques mots pleins d'empathie. Avant chaque reprise de contact, le patient est prévenu par texto ou pas courrier. Le médecin référent, quand à lui, reçoit un compte-rendu. En fonction du contenu du contact avec le patient, un nouvel appel peut être programmé. En cas de crise suicidaire, une consultation en urgence est organisée. Ce dispositif est maintenu pendant six mois, mais peut être renouvelé en cas de besoin, notamment en cas de nouvelle tentative.
Une équipe en place à La Réunion
VigilanS est désormais un dispositif actif à La Réunion. L'équipe est constituée d'un médecin référent, d'une psychologue et d'un infirmier coordinateur. Le dispositif a pu être installé au sein de l'EPSMR grâce à un financement de l'ARS Océan Indien. L'équipe fera le lien avec les différents services d'urgences appelés à prendre en charge des patients ayant fait une tentative de suicide afin que ceux-ci soient dirigés vers le dispositif.
Par ailleurs, des actions de formation seront menées avec les professionnels de santé intervenant en milieu à risque, infirmiers scolaires ou en centre de détention par exemple. Ainsi que des incitations à une meilleure coordination entre les partenaires de santé prenant en charge ces patients présentant un profil de risque suicidaire, ainsi qu'avec les associations travaillant.
Sachant que La Réunion est sous-dotée en psychiatres et psychologues libéraux (jusqu'à quatre fois moins qu'en métropole), VigilanS devrait apporter une amélioration dans la prise en charge de ces patients. "Il est établi qu'il y a davantage de tentatives de suicide dans les territoires moins bien dotés en psychiatrie. D'après les premières constatations, VigilanS, sur ces territoires sous-dotés ne fait pas moins bien en termes de baisse de récidive et de baisse de la mortalité", conclut le Pr Guillaume Vaiva.
VigilanS dédié à se généraliser dans toute la France
Lancé en 2015 dans le Nord de la France, VigilanS s'est fait remarquer des autorités de santé. Le 28 juin 2018, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a affirmé sa volonté de déployer ce dispositif à l'ensemble du territoire national. Actuellement VigilanS est actif en Bretagne, en Normandie, en Languedoc-Roussillon, en Martinique, dans le Jura, en Lorraine et maintenant à La Réunion. D'autres territoires sont intéressés ou en phase d'ouverture, notamment dans la région Rhône-Alpes.
Source : www.ipreunion.com photo Mireille Legait pour imaz press le 15 novembre 2018