À La Réunion, le diabète reste un fléau. Chaque année, le même constat. Sur l’île, une personne sur dix est traitée pour un diabète, deux fois plus qu’en métropole. Un terrain génétique favorable, une mauvaise hygiène de vie, un manque d’activité mais peut-être aussi une défaillance des pouvoirs publics et du corps médical. Les infrastructures pour pratiquer des activités physiques manquent, le "ne mangez pas trop gras, trop sucré, trop salé" est devenu quasiment anecdotique. Et la maladie, sournoise, est souvent diagnostiquée trop tard. Ce fut le cas de Patrick Hoareau, un fringant sexagénaire.
Patrick Hoareau compose chaque jour avec la maladie
Patrick Hoareau, 62 ans vit avec un diabète de type 2 depuis dix ans. Avant que la maladie ne soit diagnostiquée, durant deux ans, il a souffert de ses symptômes. Des symptômes que les médecins ont d’abord mis sur le compte d’une carence en magnésium. Malaises, crampes au niveau des jambes "je partais en randonnée, je revenais avec les jambes dures comme du bois. Je faisais des hypoglycémies, plus d’énergie pour avancer, une rando d’une heure et demi m’en prenais cinq ou six."
Suite à un énième malaise, une prise de sang permet de mettre un nom sur le mal qui gagne Patrick "le diabète, je connaissait à peine. Au début, je minimisais. Avec le recul, je me dis que c’est vraiment quelque chose de sérieux."
Patrick Hoareau est le seul de sa famille a avoir développé la maladie. Pas de terrain génétique favorable. Pas non plus la complication d’un surpoids ou d’un manque d’activité "j’avais une bonne hygiène de vie, je pratiquais des arts martiaux très régulièrement. Aujourd’hui, je continue à bouger, après trente ans passés dans les bureaux, je suis devenu forain, je vis ma passion. J’arrive à composer avec le diabète au quotidien."
Il faut trouver son équilibre et ce n’est pas toujours simple "niveau alimentation, on est dans un contrôle permanent quand on est diabétique, c’est paradoxal, on peut manger comme les autres mais autrement ". Avec le diabète, est venu l’hypertension " mais elle est maîtrisée " affirme Patrick Hoareau. Et il y a le traitement, quatre pilules le matin et une autre dans la journée " ce n’est pas trop contraignant " explique Patrick Hoareau, " il suffit juste de ne pas oublier."
Le sexagénaire insiste sur un point, assez tabou. La pathologie aurait un effet sur la sexualité des diabétiques "la libido est touchée, on n’a moins d’attente, on est plus calme. Il y a une frustration de ne pas pouvoir aller au bout de ses envies, je dirais que pour les hommes, c’est un blocage physique, pour les femmes c’est plutôt psychologique. On n’en parle jamais mais ça compte ". Patrick Hoareau prépare une tisane spéciale et "c’est plutôt efficace."
Docteur Yeganeh Brochot : "une prise de conscience générale est nécessaire"
Si l’origine du diabète de monsieur Hoarau est difficile à déterminer, plus généralement, la pathologie est la conséquence de mauvaises habitudes alimentaires, d’un manque d’activité et plus rarement de prédispositions génétiques. "À La Réunion, le diabète est, la plupart du temps, une conséquence du surpoids" indique Yeganeh Brochot, endocrinologue-diabétologue.
" L’obésité chez les enfants explose, ils sont atteints de ce que l’on appelait, il y a encore quelques années 'le diabète des personnes âgées' alors qu’ils ont 8-10 ans, c’est une véritable catastrophe ! " s’exclame le docteur Brochot.
C’est toute une manière de s’alimenter qu’il faut revoir "à La Réunion, on a modifié le repas créole, on l’a " zoreillisé ". Le traditionnel riz-grains est resté mais on a enlevé les brède, ajouté plus de viande et au lieu du fruit de saison en dessert, on a intégré des friandises. On ne sait plus cuisiner, on ne prend plus le temps d’apprécier. Certains de mes patients ne savent qu’un repas sain et équilibré peut se préparer en dix minutes et l’arrivée des grandes surfaces à La Réunion n'a rien arrangé. On est entré dans l’ère de la consommation et ce sont surtout des produits transformés que l'on surconsomme."
Et le constat " plus on est pauvre, moins on mange " ne tient pas pour le Docteur Brochot. Il y a certes une réalité derrière cette adage, le surpoids frappe plus dans les milieux défavorisés "mais ce n’est pas une fatalité " affirme le médecin. " les priorités des personnes plus pauvres sont différentes des autres. Ce sont, en général, des personnes plus sédentaires. Ce qui manque, c’est une éducation au "bien manger" et cela nécessite du temps et de l’implication, pas forcément des moyens."
Le Docteur Brochot met aussi en avant le manque d’infrastructures pour les enfants. Pas assez de parcs, de piscines, de lieux où les enfants peuvent se dépenser, bouger "on préfère qu’ils restent devant la télé, c’est beaucoup plus simple alors que l’activité physique est l’une des clés pour endiguer ce phénomène. Et on sait que la sédentarité est un facteur important de l'obésité, les pouvoirs publics doivent faire bouger les choses."
Mais le médecin est confiant, les institutions commencent à prendre le problème à bras le corps. "La diminution de la maladie à La Réunion passe par une réelle prise de conscience, de la prévention, l’éducation et des moyens supplémentaires, rien n’est une fatalité, contrer ce fléau n’est pas impossible" finit-elle.
Source : fh/www.ipreunion.com photo ip le 14 novembre 2018