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FJ
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mardi 10 juillet 2018
Dans le “Livre noir du tabac en Europe”, le député européen Insoumis, le Réunionnais Younous Omarjee, dénonce l'implication des multinationales dans le commerce parallèle de cigarettes.
Pour lui, le but des fabricants est de permettre aux jeunes d'acheter des cigarettes moins chères pour créer chez eux l'accoutumance.
Vous avez décidé de dénoncer le marché parallèle organisé par les multinationales grâce à la complaisance de la Commission européenne... Comment avez-vous tout découvert ?
"Je suis membre au Parlement européen de la Commission environnement et santé, compétente au fond sur le suivi de la directive tabac. C'est en travaillant sur les actes délégués proposés par la Commission européenne que j'en suis arrivé au constat que les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, invitant à couper autant que nécessaire les liens avec les industries du tabac dans la lutte contre le marché parallèle, n'avaient pas été respectées. J'ai donc décidé d'objecter, ce qui est le droit de tout député européen.
Comment fonctionne ce "trafic" ?
Ce trafic, je le décris précisément dans le livre noir que je présente et qui compte plus d'une centaine de pages. Il est complexe, organisé et s'étend dans le monde entier. Pour avoir une idée, en France, c'est 900 millions de vrais faux paquets de cigarettes et près de 18 milliards de cigarettes distribuées sur le marché parallèle. Selon de nombreux rapports, ces cigarettes sortent en partie des usines des industries du tabac, sont vendues à des intermédiaires, accomplissent de longs parcours via des pays comme le Kosovo ou l'Ukraine et sont ensuite revendues hors bureau de tabac en Europe. Mais le marché parallèle, c'est aussi la suralimentation de pays frontaliers en cigarettes (ndlr, ces pays pratiquent une fiscalité sur le tabac . Cela représente une perte fiscale pour les pays européens qui approcheraient les 20 milliards d'euros. C'est un manque à gagner considérable.
Quel est le but de ce "trafic", selon vous ?
Il est multiple mais n'en retenons qu'une qui me semble la plus importante : c'est la fidélisation, l'accoutumance d'une clientèle jeune, adolescente, au tabac. C'est contourner les politiques de santé publique d'augmentation du prix du paquet, qui sont efficaces, et permettre notamment aux jeunes d'acheter des cigarettes à des prix très bas. Aujourd'hui, la première cigarette est achetée sur le marché parallèle.
La Commission européenne subit-elle des pressions?
Ce que je reproche à la Commission européenne, c'est de faire primer les intérêts des industriels sur ceux de la santé des personnes. Cela est vrai dans ce dossier comme il est vrai sur le glyphosate, le dieselgate, les perturbateurs endocriniens ou le dossier de la pêche électrique sur lequel j'étais très engagé. Au Parlement européen, par exemple, nous avons décidé d'interdire l'accès de nos murs à Monsanto car elle n'a cessé de violer les règles qui existent en matière de lobbying. La Commission européenne devrait en faire autant pour certains lobbys qui enfreignent les règles.
Que faudrait-il faire pour mettre les cigarettiers hors d'état de nuire?
Sur ce dossier du marché illégal, ni plus ni moins que se mettre en conformité avec le protocole de l'OMS aujourd'hui ratifié par un nombre suffisant d'Etats et qui est donc en vigueur (voir par ailleurs). Et suivre les recommandations de mon rapport ! (voir encadré)
Le lobby du tabac est-il le plus puissant? Est-ce qu'il est plus puissant que celui des fabricants de boissons alcoolisées, par exemple ?
Difficile de faire un concours. Disons que les intérêts en jeu sont tels que ces industries s'organisent pour peser sur les décisions. Je n'ai pas de position intégriste. Avant de voter, il m'arrive de lire les positions des lobbys ou de les recevoir dans un cadre transparent. Il y a parfois des arguments avancés par eux qui sont pertinents. Et à la fin, je vote en conscience en fonction de l'intérêt général. Mais il faut toujours de la transparence et sortir de l'opacité. S'agissant du lobby du tabac, c'est quand même une industrie de la mort.
Est-ce que la tache ne s'avère pas plus ardue que les combats que vous avez menés contre la pêche électrique ou le glyphosate ?
Tous les combats sont difficiles. mais ils sont assurément perdus s'ils ne sont pas menés. Je pense qu'en menant ces combats, en dénonçant les collusions qui existent entre les institutions européennes et certains lobbys, je fais œuvre utile et je fais vivre la démocratie européenne. C'est la raison d'être d'un parlementaire de contrôler l'action de l'exécutif. Et de faire des propositions visant l'intérêt général qui, bien entendu, dans mon acception, intègre aussi la nature et les animaux. Je ne suis pas à Bruxelles pour dire que tout va bien et pour plaire. Sur ce dossier , je pense que malgré la puissance du lobby du tabac, à terme j'obtiendrai gain de cause car la Commission européenne sera bien obligée de revoir sa copie et de se mettre en conformité avec l'OMS. Les lignes sont déjà en train de bouger".
Propos recueillis par Juliane Ponin-Ballom
Un protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac
Adopté par la conférence des parties à la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, le protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac est le premier protocole à la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (convention-cadre de l’OMS). Il constitue un nouveau traité international à part entière. Il a été adopté par consensus le 12 novembre 2012 à la cinquième session de la conférence des parties à la convention-cadre de l’OMS (Séoul, République de Corée, 12-17 novembre 2012). Il prolonge et complète l’article 15 de la convention, qui traite des moyens de parer au commerce illicite des produits du tabac, aspect essentiel de toute politique complète de lutte antitabac. Le protocole a été élaboré en réaction au commerce illicite des produits du tabac, qui s’étend au niveau international et met gravement en péril la santé publique. Le commerce illicite rend les produits du tabac plus accessibles et plus abordables et, de ce fait, entretient l’épidémie de tabagisme et sape les politiques de lutte antitabac. Il entraîne par ailleurs d’importantes pertes fiscales et contribue en même temps à financer des activités criminelles transnationales. L’objectif du protocole est d’éliminer toutes les formes de commerce illicite des produits du tabac, conformément aux dispositions de l’article 15 de la convention-cadre de l’OMS.
L'interdiction de vente de tabac dans les duty-free réclamée
Voici les 10 propositions du député européen pour mettre fin au commerce parallèle de tabac :
1) Fixer pour les produits du tabac un prix identique dans tous les pays de l’Union européenne à l’horizon 2025.
2) Interdire les activités de lobbying des fabricants de tabac, et interdire leur recours à des cabinets externes spécialisés, à des agences de communication ou à des cabinets d’avocats aux fins de lobbying.
3) Appliquer de manière exigeante le Protocole de l’OMS «pour éliminer le commerce illicite de tabac».
4) Modifier des articles 15 et 16 de la directive tabac pour les rendre compatibles avec l’article 8 du protocole de l’OMS.
5) Étendre la traçabilité des produits du tabac aux cigarettes électroniques et leurs recharges, et aux nouveaux produits chauffés du tabac, de type Iqos.
6) Organiser des débats publics au Parlement européen et dans chacun des Parlements des Etats membres, sur les moyens de mettre fin au commerce parallèle de tabac réunissant associations anti-tabac, représentants de l’OMS, experts – strictement – indépendants.
7) Aggraver les peines pour trafic, recel et revente de tabac.
8) Instaurer une peine spécifique pour les fabricants de tabac pour «organisation et alimentation du commerce parallèle».
9) Limiter le transport des cigarettes entre les Etats membres à 1 cartouche par personne.
10) Interdire la vente de tabac dans les Duty Free.
Source: Clicanoo.re. Propos recueillis par Juliane Ponin-Ballom. Le 09/07/2018.
Pour lui, le but des fabricants est de permettre aux jeunes d'acheter des cigarettes moins chères pour créer chez eux l'accoutumance.
Vous avez décidé de dénoncer le marché parallèle organisé par les multinationales grâce à la complaisance de la Commission européenne... Comment avez-vous tout découvert ?
"Je suis membre au Parlement européen de la Commission environnement et santé, compétente au fond sur le suivi de la directive tabac. C'est en travaillant sur les actes délégués proposés par la Commission européenne que j'en suis arrivé au constat que les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, invitant à couper autant que nécessaire les liens avec les industries du tabac dans la lutte contre le marché parallèle, n'avaient pas été respectées. J'ai donc décidé d'objecter, ce qui est le droit de tout député européen.
Comment fonctionne ce "trafic" ?
Ce trafic, je le décris précisément dans le livre noir que je présente et qui compte plus d'une centaine de pages. Il est complexe, organisé et s'étend dans le monde entier. Pour avoir une idée, en France, c'est 900 millions de vrais faux paquets de cigarettes et près de 18 milliards de cigarettes distribuées sur le marché parallèle. Selon de nombreux rapports, ces cigarettes sortent en partie des usines des industries du tabac, sont vendues à des intermédiaires, accomplissent de longs parcours via des pays comme le Kosovo ou l'Ukraine et sont ensuite revendues hors bureau de tabac en Europe. Mais le marché parallèle, c'est aussi la suralimentation de pays frontaliers en cigarettes (ndlr, ces pays pratiquent une fiscalité sur le tabac . Cela représente une perte fiscale pour les pays européens qui approcheraient les 20 milliards d'euros. C'est un manque à gagner considérable.
Quel est le but de ce "trafic", selon vous ?
Il est multiple mais n'en retenons qu'une qui me semble la plus importante : c'est la fidélisation, l'accoutumance d'une clientèle jeune, adolescente, au tabac. C'est contourner les politiques de santé publique d'augmentation du prix du paquet, qui sont efficaces, et permettre notamment aux jeunes d'acheter des cigarettes à des prix très bas. Aujourd'hui, la première cigarette est achetée sur le marché parallèle.
La Commission européenne subit-elle des pressions?
Ce que je reproche à la Commission européenne, c'est de faire primer les intérêts des industriels sur ceux de la santé des personnes. Cela est vrai dans ce dossier comme il est vrai sur le glyphosate, le dieselgate, les perturbateurs endocriniens ou le dossier de la pêche électrique sur lequel j'étais très engagé. Au Parlement européen, par exemple, nous avons décidé d'interdire l'accès de nos murs à Monsanto car elle n'a cessé de violer les règles qui existent en matière de lobbying. La Commission européenne devrait en faire autant pour certains lobbys qui enfreignent les règles.
Que faudrait-il faire pour mettre les cigarettiers hors d'état de nuire?
Sur ce dossier du marché illégal, ni plus ni moins que se mettre en conformité avec le protocole de l'OMS aujourd'hui ratifié par un nombre suffisant d'Etats et qui est donc en vigueur (voir par ailleurs). Et suivre les recommandations de mon rapport ! (voir encadré)
Le lobby du tabac est-il le plus puissant? Est-ce qu'il est plus puissant que celui des fabricants de boissons alcoolisées, par exemple ?
Difficile de faire un concours. Disons que les intérêts en jeu sont tels que ces industries s'organisent pour peser sur les décisions. Je n'ai pas de position intégriste. Avant de voter, il m'arrive de lire les positions des lobbys ou de les recevoir dans un cadre transparent. Il y a parfois des arguments avancés par eux qui sont pertinents. Et à la fin, je vote en conscience en fonction de l'intérêt général. Mais il faut toujours de la transparence et sortir de l'opacité. S'agissant du lobby du tabac, c'est quand même une industrie de la mort.
Est-ce que la tache ne s'avère pas plus ardue que les combats que vous avez menés contre la pêche électrique ou le glyphosate ?
Tous les combats sont difficiles. mais ils sont assurément perdus s'ils ne sont pas menés. Je pense qu'en menant ces combats, en dénonçant les collusions qui existent entre les institutions européennes et certains lobbys, je fais œuvre utile et je fais vivre la démocratie européenne. C'est la raison d'être d'un parlementaire de contrôler l'action de l'exécutif. Et de faire des propositions visant l'intérêt général qui, bien entendu, dans mon acception, intègre aussi la nature et les animaux. Je ne suis pas à Bruxelles pour dire que tout va bien et pour plaire. Sur ce dossier , je pense que malgré la puissance du lobby du tabac, à terme j'obtiendrai gain de cause car la Commission européenne sera bien obligée de revoir sa copie et de se mettre en conformité avec l'OMS. Les lignes sont déjà en train de bouger".
Propos recueillis par Juliane Ponin-Ballom
Un protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac
Adopté par la conférence des parties à la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, le protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac est le premier protocole à la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (convention-cadre de l’OMS). Il constitue un nouveau traité international à part entière. Il a été adopté par consensus le 12 novembre 2012 à la cinquième session de la conférence des parties à la convention-cadre de l’OMS (Séoul, République de Corée, 12-17 novembre 2012). Il prolonge et complète l’article 15 de la convention, qui traite des moyens de parer au commerce illicite des produits du tabac, aspect essentiel de toute politique complète de lutte antitabac. Le protocole a été élaboré en réaction au commerce illicite des produits du tabac, qui s’étend au niveau international et met gravement en péril la santé publique. Le commerce illicite rend les produits du tabac plus accessibles et plus abordables et, de ce fait, entretient l’épidémie de tabagisme et sape les politiques de lutte antitabac. Il entraîne par ailleurs d’importantes pertes fiscales et contribue en même temps à financer des activités criminelles transnationales. L’objectif du protocole est d’éliminer toutes les formes de commerce illicite des produits du tabac, conformément aux dispositions de l’article 15 de la convention-cadre de l’OMS.
L'interdiction de vente de tabac dans les duty-free réclamée
Voici les 10 propositions du député européen pour mettre fin au commerce parallèle de tabac :
1) Fixer pour les produits du tabac un prix identique dans tous les pays de l’Union européenne à l’horizon 2025.
2) Interdire les activités de lobbying des fabricants de tabac, et interdire leur recours à des cabinets externes spécialisés, à des agences de communication ou à des cabinets d’avocats aux fins de lobbying.
3) Appliquer de manière exigeante le Protocole de l’OMS «pour éliminer le commerce illicite de tabac».
4) Modifier des articles 15 et 16 de la directive tabac pour les rendre compatibles avec l’article 8 du protocole de l’OMS.
5) Étendre la traçabilité des produits du tabac aux cigarettes électroniques et leurs recharges, et aux nouveaux produits chauffés du tabac, de type Iqos.
6) Organiser des débats publics au Parlement européen et dans chacun des Parlements des Etats membres, sur les moyens de mettre fin au commerce parallèle de tabac réunissant associations anti-tabac, représentants de l’OMS, experts – strictement – indépendants.
7) Aggraver les peines pour trafic, recel et revente de tabac.
8) Instaurer une peine spécifique pour les fabricants de tabac pour «organisation et alimentation du commerce parallèle».
9) Limiter le transport des cigarettes entre les Etats membres à 1 cartouche par personne.
10) Interdire la vente de tabac dans les Duty Free.
Source: Clicanoo.re. Propos recueillis par Juliane Ponin-Ballom. Le 09/07/2018.