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lundi 9 juillet 2018
80% des patients atteints de cancer font appel aux thérapies alternatives en complément de leur traitement conventionnel.
Parmi elles, la micronutrition permet un accompagnement innovant de cette pathologie. C’est ce dont nous parle le Dr Bernard Kieser, médecin généraliste et spécialiste en micronutrition.
Au commencement, la maladie cancéreuse est insidieuse. Elle débute par une altération de l’information génétique des cellules. Ces dernières se mettent à se multiplier silencieusement sans être invasives. Il n’y a ni grosseur, ni métastases. Lors de la mutation des cellules, différents facteurs ajoutés promeuvent, en plus, le développement de la tumeur. Une femme en surpoids, par exemple, fabrique plus d’hormones féminines dans son tissu gras. L’augmentation de ces hormones, aggravée par la prise de la pilule contraceptive et éventuellement par une exposition à des perturbateurs endocriniens favorise le développement d’un cancer du sein. Pour que le cancer évolue, il faut d’abord un initiateur puis une promotion de la croissance tumorale. Par la suite, la cellule cancéreuse continue à croître par le biais de mutations progressives. Ces mutations vont la rendre de plus en plus autonome, agressive, dangereuse et résistante aux traitements. "Si le cancer est pris en charge très tôt, on limite le risque qu’il subisse des mutations. Plus le temps passe, plus le cancer s’organise de manière intelligente pour se développer. Il utilise les voix biologiques normales à son avantage pour grossir. De mutations en mutations, il grignote les bordures du tissu dans lequel il se trouve pour passer dans la circulation et former des métastases dans les différents organes", développe le Dr Kieser. Les métastases peuvent rester silencieuses durant des années, car la cellule cancéreuse prend le temps de s’adapter à ce nouveau tissu qu’elle ne connaît pas. Devenues évolutives, elles présentent la capacité de s’adapter et de détourner les voix métaboliques biologiques pour grossir et épuiser l’organisme afin de progresser. Elles possèdent la capacité de détourner la physiologie à leur avantage. "Une fois que le cancer est parvenu au stade métastatique, il exige une énorme consommation d’énergie. Il épuise les réserves nutritionnelles du corps. C’est pourquoi les personnes atteintes de cancer maigrissent, car la maladie se sert des réserves de protéines notamment contenues dans les muscles pour croître. Le cancer grossit, tandis que la personne maigrit", explique le spécialiste. Et pour croître, les cellules cancéreuses obligent les cellules saines présentes aux alentours à s’associer entre elles. Elles provoquent la fabrication de petits vaisseaux sains au sein même de la tumeur afin de pouvoir s’irriguer et se nourrir toute seule.
Un changement alimentaire s’impose
Les cellules cancéreuses ont même la capacité de placer sous silence le système immunitaire. Lors de la toute première phase du cancer, le système immunitaire est capable de bloquer l’évolution des cellules anormales. En revanche, lorsque plusieurs mutations auront eu lieu à l’intérieur de la tumeur et que la cellule se sera adaptée à son milieu, elle sera également capable de se rendre invisible au système immunitaire. "La cellule cancéreuse met sous silence les caractéristiques de ses membranes. Elle adopte une stratégie de cache-cache pour pouvoir se nourrir sans en être inquiétée", précise le médecin. Dans les causes de cette pathologie, l’alimentation joue notamment un rôle fondamental. "Dire à un patient atteint d’un cancer de ne pas changer son alimentation aura un effet contre-productif sur l’évolution et la prise en charge de la maladie, déplore le médecin. Selon l’OMS, 40% des cancers, dans le monde, sont liés à des erreurs alimentaires. Les diabétiques présentent une chance sur trois de décéder un jour d’un cancer". Les excès de viande, de produits laitiers, de sucre, de graisses saturées, de produits industriels, d’alcool favorisent l’apparition d’un cancer. Et à l’inverse, un régime crétois ou méditerranéen, avec une abondance de végétaux, de légumineuses et beaucoup moins de protéines animales, protège du risque d’émergence d’un cancer et d’un risque de récidive. "Je constate au quotidien dans l’accompagnement par la micronutrition de mes patients atteints de cancer que personne ne sait véritablement comment bien se nourrir, perdu dans les revues, les livres et les allégations de santé. Depuis la seconde guerre mondiale, le lait suit l’évolution des mœurs. Aujourd’hui, les études ont démontré que l’excès de produits laitiers est néfaste pour la santé. Cela augmente le risque de surpoids, de diabète et de cancer de la prostate. Même les vaches nourries le mieux possible, présentent un excès de graisses saturées et des oméga 6, pro inflammatoires, car ce sont des ruminants. Le PNNS (Plan National Nutrition Santé) a, aujourd’hui, réduit les cinq produits laitiers conseillés à deux par jour. Les mentalités évoluent. La viande rouge est passée à 500 grammes au plus par semaine alors qu’autrefois sa consommation était sans limite. Cela reste encore trop selon moi, mais il y a du progrès", révèle le spécialiste. Une alimentation riche en végétaux préserve la flore intestinale, directement impliquée dans certains processus de cancérisation notamment digestifs avec l’apport de fibres, de vitamines, de minéraux, de molécules anti oxydantes et de polyphénols.
Des compléments alimentaires à prendre avec précaution
Les fibres laissent le temps à l’intestin de capter les vitamines et les minéraux. Les polyphénols, des molécules qui servent à la plante de protection microbienne, ont également fait leur preuve dans certains cancers. "Le curcuma consommé à La Réunion constitue un excellent apport de polyphénols. Sur le plan nutritionnel, on peut en consommer sans problème. En revanche, il faut savoir manier les compléments alimentaires", précise le Dr Kieser. Les antioxydants nutritionnels, à savoir la vitamine C, E, le sélénium et les caroténoïdes apparentés à la vitamine A, jouent également un rôle dans la prévention du cancer. Toutefois, le rôle des carences et des excès de ces nutriments spécifiques dans la protection de cette pathologie est particulièrement important. L’excès de vitamine B9 et de sélénium au même titre que les carences peuvent favoriser l’apparition d’un cancer. "Après une sleeve gastrectomie, la vitamine B9 prescrite en surdose durant des années sans contrôler le dosage sanguin peut avoir des conséquences néfastes. J’ai une patiente qui a d’ailleurs développé un cancer du sein. Ses dosages montraient un taux sanguin de vitamine B9 extrêmement important", raconte le médecin. Même chose pour le sélénium, la vitamine E, C et les caroténoïdes. Un excès comme des carences augmentent les risques de cancer. Bien que nous vivions au soleil, les peaux foncées ont du mal à synthétiser la vitamine D et les peaux claires se protègent avec des crèmes solaires. D’après le médecin, énormément de gens présentent des déficiences en vitamine D à La Réunion. Ces carences ont un impact sur le cancer du côlon, du sein et de la prostate. N’oublions pas les oméga 3. On retrouve ces acides gras polyinsaturés dans certains poissons gras, les fruits à coque, les huiles de noix, de colza, de lin, de chanvre etc. Les oméga 3 ont un rôle anti inflammatoire extrêmement puissant dans la prévention, mais aussi dans l’amélioration de l’évolution de la maladie cancéreuse, notamment dans le risque de métastases et le risque de récidive du cancer du sein. "En consommant régulièrement des oméga 3, on présente moins de chance de souffrir d’un cancer, moins de chance que ce soit grave si jamais la pathologie apparaît, moins de chance de récidive et moins de chance de métastases. Ces faits sont connus depuis plus de 10 ans, pourtant ils ne sont toujours pas enseignés à l’université de médecine, regrette le Dr Kieser. Concernant les excès d’omégas 3, il convient de faire attention au dosage de compléments alimentaires à l’approche d’une opération, car ce sont des fluidifiants sanguins. Si jamais on doit se faire opérer, il faut arrêter la prise d’omégas 3 au moins huit jours avant et huit jours après. Enfin, les oméga 3 font partie de la réadaptation alimentaire notamment dans le cancer du sein". Les compléments alimentaires sont à manier avec précaution. Il convient de juger avant tout de l’utilité et de la pertinence de la prescription par un dosage sanguin, aujourd’hui accessibles aux médecins nutritionnistes. L’excès de sucre, de viande, de produits laitiers, de graisses saturées ou encore de produits transformés favorise une inflammation de l’organisme dite à bas bruit, constituant un environnement propice à l’apparition de cancer. Une alimentation anti inflammatoire avec beaucoup de végétaux le protège par les fibres, les minéraux et les vitamines. "Entre se faire plaisir tous les jours dans une société d’abondance qui a perdu ses repères notamment sur l’alimentation et la notion de plaisir occasionnelle, il existe un monde. Chacun est libre de gérer sa santé comme il le souhaite mais un choix alimentaire reste possible", conclut le Dr Kieser.
Par Leïla Bapoo.
Mises en garde du Dr Bernard Kieser
"Certains patients se lancent parfois dans des diètes drastiques comme le régime cétogène ou encore le jeune sur une longue période. Ils ne sont pas clairement informés sur ces techniques qui présentent certes un intérêt lorsqu’elles sont bien maîtrisées mais qui peuvent être dangereuses si elles ne le sont pas. Sans surveillance, ces méthodes peuvent provoquer des rebonds de la maladie, accompagnés d’une fonte musculaire. Les séjours de jeune peuvent favoriser l’amaigrissement du patient et la croissance cancéreuse. Lorsqu’on stresse la cellule trop longtemps avec un jeune prolongé, elle trouve le moyen de se développer en allant pomper dans les muscles. La diète cétogène, vulgarisée par de nombreux ouvrages, engendre des récidives catastrophiques chez des patients en rupture avec les soins conventionnels et sans suivi ni conseils avisés. En revanche, j’ai constaté que le jeûne intermittent comporte un réel intérêt sur la tolérance des traitements de chimiothérapie. Les patients présentent moins de troubles digestifs. On sait aussi que le jeûne intermittent permet une meilleure efficacité des traitements avec moins d’effets secondaires. Concernant la prise de compléments alimentaires. Il est important d’éviter le cuivre, le fer et la manganèse ainsi que les compléments qui en comportent. Pris sur une longue période et sans surveillance, ils augmentent le stress oxydatif, favorisent l’inflammation et par là même le risque d’émergence de cancer. Il faut donc s’en méfier".
Quand prescrire ou pas des antioxydants ?
Des antioxydants peuvent être prescrits durant le traitement lorsque le patient atteint de cancer présente un déficit évalué par le biais d’une analyse biologique. En revanche, au moment de la chimiothérapie et durant une semaine, il convient d’interrompre la prise d’antioxydants, pour en reprendre une semaine plus tard mais à des doses nutritionnelles. "Il ne faut jamais prescrire des doses supra nutritionnelles. On doit combler les déficiences par petites doses sur plusieurs semaines ou plusieurs mois", préconise le Dr Kieser. Outre l’apport d’antioxydants dans la nourriture, certains sont fabriqués par le corps. L’un d’entre eux, le Co enzyme Q10 est abaissé chez les personnes âgées et les personnes très sportives. Cet anti oxydant est un protecteur cardiaque. "Certaines chimiothérapies sont agressives pour le cœur, il est conseillé de donner du Co enzyme Q10 durant le traitement", recommande le médecin. En revanche, certains compléments alimentaires comme le glutathion sont contrindiqués pendant le traitement du cancer. À supposer qu’il soit bien absorbé par l’organisme, on pourrait directement contrarier les effets du traitement. "Trop d’apports en antioxydants peuvent gêner le traitement anti cancéreux voire aggraver l’état de santé du patient. Et pour cause, le traitement provoque justement l’oxydation afin de tuer les cellules cancéreuses. C’est pourquoi, leur prescription doit être réalisée par un professionnel et non en auto médication. Lorsqu’on prescrit des antioxydants, il faut conseiller des complexes à base de vitamine C, de caroténoïdes, de sélénium à des doses nutritionnelles et uniquement chez des gens déficients", conseille le Dr Kieser.
Les principaux cancers directement liés à l’alimentation
- L’excès de viande grillée favorise le cancer du côlon à cause de la réaction de Maillard. Il s’agit du brunissement formé à la cuisson. - Les excès de produits laitiers sont impliqués dans le cancer de la prostate. Ce cancer est également lié au fait de manger peu de légumes à feuilles, favorisant ainsi la carence en vitamine K. - Les cancers de la bouche et de la région ORL sont liés à l’excès d’alcool. La cigarette est un facteur aggravant de ce type de pathologies. - Les cancers de l’estomac sont favorisés par les excès de sel et de viandes fumées. "Beaucoup plus de femmes réunionnaises présentent des cancers de l’estomac, à cause d’un excès de boucanés", déclare le médecin. - L’excès de graisses saturées fait partie des facteurs de risque de l’apparition du cancer du sein.
Le mythe des phytooestrogènes de soja dans les cancers hormono-dépendants
Il existe énormément de plantes qui contiennent des phytooestrogènes : les agrumes, les épinards, les légumineuses dont le soja, les céréales, le houblon ou encore le lin. Une cuillère à soupe de lin broyé contient beaucoup plus de phytooestrogènes qu’un steak de soja. Les phytooestrogènes sont des molécules qui comportent une ressemblance biochimique avec les œstrogènes féminins. Ils ont la capacité de se fixer très facilement sur les récepteurs des oestrogènes mais avec une capacité d’action oestrogénique des centaines de fois moins importantes que les oestrogènes féminins. "Les phytooestogènes n’augmentent pas le niveau d’œstrogènes dans le sang et les cellules de la femme. Les facteurs de cancers hormono-dépendants restent le surpoids et la prise de pilule contraceptive, car ils augmentent largement le taux d’oestrogènes à un niveau délétère. Okinawa est l’endroit qui compte le moins de cancer du sein au monde et c’est aussi là où les femmes consomment le plus de soja et ce depuis leur adolescence. Le soja alimentaire ne comporte pas de risques pour la santé, bien au contraire. Néanmoins, les compléments alimentaires fortement dosés en phytooestrogènes peuvent contrarier le traitement d’hormonothérapie d’un cancer du sein", explique le médecin.
L’apport des probiotiques
Un certain nombre de chimiothérapies est amélioré par la prise de probiotiques. La qualité de la flore intestinale retentit directement sur l’efficacité des traitements. Lorsque l’on prescrit des souches de lactobacillus acidophillus, dans les chimiothérapies qui utilisent les sels de platine, on constate une amélioration de la réponse au traitement et une diminution de ses effets secondaires. C’est pourquoi la prise de fibre est primordiale pour son effet prébiotique, en augmentant le nombre de bactéries amies de la flore intestinale.
Les bases du régime crétois
L’assiette crétoise est constituée de 80% de végétaux et 20% de protéines animales avec des "bonnes" huiles comme l’huile d’olive. Il convient d’éviter les huiles de tournesol, d’arachide, de pépins de raisin ou encore de maïs. On consommera beaucoup de fruits et légumes avec une forte proportion en fruits et légumes crues, beaucoup de légumineuses, des céréales complètes, des fruits à coque, du poisson deux à trois fois par semaine et de la viande une ou deux fois par semaine. Les produits laitiers ne sont pas nécessaires.
Source: Clicanoo. Par Leila Bapoo. Le 08/07/2018.
Parmi elles, la micronutrition permet un accompagnement innovant de cette pathologie. C’est ce dont nous parle le Dr Bernard Kieser, médecin généraliste et spécialiste en micronutrition.
Au commencement, la maladie cancéreuse est insidieuse. Elle débute par une altération de l’information génétique des cellules. Ces dernières se mettent à se multiplier silencieusement sans être invasives. Il n’y a ni grosseur, ni métastases. Lors de la mutation des cellules, différents facteurs ajoutés promeuvent, en plus, le développement de la tumeur. Une femme en surpoids, par exemple, fabrique plus d’hormones féminines dans son tissu gras. L’augmentation de ces hormones, aggravée par la prise de la pilule contraceptive et éventuellement par une exposition à des perturbateurs endocriniens favorise le développement d’un cancer du sein. Pour que le cancer évolue, il faut d’abord un initiateur puis une promotion de la croissance tumorale. Par la suite, la cellule cancéreuse continue à croître par le biais de mutations progressives. Ces mutations vont la rendre de plus en plus autonome, agressive, dangereuse et résistante aux traitements. "Si le cancer est pris en charge très tôt, on limite le risque qu’il subisse des mutations. Plus le temps passe, plus le cancer s’organise de manière intelligente pour se développer. Il utilise les voix biologiques normales à son avantage pour grossir. De mutations en mutations, il grignote les bordures du tissu dans lequel il se trouve pour passer dans la circulation et former des métastases dans les différents organes", développe le Dr Kieser. Les métastases peuvent rester silencieuses durant des années, car la cellule cancéreuse prend le temps de s’adapter à ce nouveau tissu qu’elle ne connaît pas. Devenues évolutives, elles présentent la capacité de s’adapter et de détourner les voix métaboliques biologiques pour grossir et épuiser l’organisme afin de progresser. Elles possèdent la capacité de détourner la physiologie à leur avantage. "Une fois que le cancer est parvenu au stade métastatique, il exige une énorme consommation d’énergie. Il épuise les réserves nutritionnelles du corps. C’est pourquoi les personnes atteintes de cancer maigrissent, car la maladie se sert des réserves de protéines notamment contenues dans les muscles pour croître. Le cancer grossit, tandis que la personne maigrit", explique le spécialiste. Et pour croître, les cellules cancéreuses obligent les cellules saines présentes aux alentours à s’associer entre elles. Elles provoquent la fabrication de petits vaisseaux sains au sein même de la tumeur afin de pouvoir s’irriguer et se nourrir toute seule.
Un changement alimentaire s’impose
Les cellules cancéreuses ont même la capacité de placer sous silence le système immunitaire. Lors de la toute première phase du cancer, le système immunitaire est capable de bloquer l’évolution des cellules anormales. En revanche, lorsque plusieurs mutations auront eu lieu à l’intérieur de la tumeur et que la cellule se sera adaptée à son milieu, elle sera également capable de se rendre invisible au système immunitaire. "La cellule cancéreuse met sous silence les caractéristiques de ses membranes. Elle adopte une stratégie de cache-cache pour pouvoir se nourrir sans en être inquiétée", précise le médecin. Dans les causes de cette pathologie, l’alimentation joue notamment un rôle fondamental. "Dire à un patient atteint d’un cancer de ne pas changer son alimentation aura un effet contre-productif sur l’évolution et la prise en charge de la maladie, déplore le médecin. Selon l’OMS, 40% des cancers, dans le monde, sont liés à des erreurs alimentaires. Les diabétiques présentent une chance sur trois de décéder un jour d’un cancer". Les excès de viande, de produits laitiers, de sucre, de graisses saturées, de produits industriels, d’alcool favorisent l’apparition d’un cancer. Et à l’inverse, un régime crétois ou méditerranéen, avec une abondance de végétaux, de légumineuses et beaucoup moins de protéines animales, protège du risque d’émergence d’un cancer et d’un risque de récidive. "Je constate au quotidien dans l’accompagnement par la micronutrition de mes patients atteints de cancer que personne ne sait véritablement comment bien se nourrir, perdu dans les revues, les livres et les allégations de santé. Depuis la seconde guerre mondiale, le lait suit l’évolution des mœurs. Aujourd’hui, les études ont démontré que l’excès de produits laitiers est néfaste pour la santé. Cela augmente le risque de surpoids, de diabète et de cancer de la prostate. Même les vaches nourries le mieux possible, présentent un excès de graisses saturées et des oméga 6, pro inflammatoires, car ce sont des ruminants. Le PNNS (Plan National Nutrition Santé) a, aujourd’hui, réduit les cinq produits laitiers conseillés à deux par jour. Les mentalités évoluent. La viande rouge est passée à 500 grammes au plus par semaine alors qu’autrefois sa consommation était sans limite. Cela reste encore trop selon moi, mais il y a du progrès", révèle le spécialiste. Une alimentation riche en végétaux préserve la flore intestinale, directement impliquée dans certains processus de cancérisation notamment digestifs avec l’apport de fibres, de vitamines, de minéraux, de molécules anti oxydantes et de polyphénols.
Des compléments alimentaires à prendre avec précaution
Les fibres laissent le temps à l’intestin de capter les vitamines et les minéraux. Les polyphénols, des molécules qui servent à la plante de protection microbienne, ont également fait leur preuve dans certains cancers. "Le curcuma consommé à La Réunion constitue un excellent apport de polyphénols. Sur le plan nutritionnel, on peut en consommer sans problème. En revanche, il faut savoir manier les compléments alimentaires", précise le Dr Kieser. Les antioxydants nutritionnels, à savoir la vitamine C, E, le sélénium et les caroténoïdes apparentés à la vitamine A, jouent également un rôle dans la prévention du cancer. Toutefois, le rôle des carences et des excès de ces nutriments spécifiques dans la protection de cette pathologie est particulièrement important. L’excès de vitamine B9 et de sélénium au même titre que les carences peuvent favoriser l’apparition d’un cancer. "Après une sleeve gastrectomie, la vitamine B9 prescrite en surdose durant des années sans contrôler le dosage sanguin peut avoir des conséquences néfastes. J’ai une patiente qui a d’ailleurs développé un cancer du sein. Ses dosages montraient un taux sanguin de vitamine B9 extrêmement important", raconte le médecin. Même chose pour le sélénium, la vitamine E, C et les caroténoïdes. Un excès comme des carences augmentent les risques de cancer. Bien que nous vivions au soleil, les peaux foncées ont du mal à synthétiser la vitamine D et les peaux claires se protègent avec des crèmes solaires. D’après le médecin, énormément de gens présentent des déficiences en vitamine D à La Réunion. Ces carences ont un impact sur le cancer du côlon, du sein et de la prostate. N’oublions pas les oméga 3. On retrouve ces acides gras polyinsaturés dans certains poissons gras, les fruits à coque, les huiles de noix, de colza, de lin, de chanvre etc. Les oméga 3 ont un rôle anti inflammatoire extrêmement puissant dans la prévention, mais aussi dans l’amélioration de l’évolution de la maladie cancéreuse, notamment dans le risque de métastases et le risque de récidive du cancer du sein. "En consommant régulièrement des oméga 3, on présente moins de chance de souffrir d’un cancer, moins de chance que ce soit grave si jamais la pathologie apparaît, moins de chance de récidive et moins de chance de métastases. Ces faits sont connus depuis plus de 10 ans, pourtant ils ne sont toujours pas enseignés à l’université de médecine, regrette le Dr Kieser. Concernant les excès d’omégas 3, il convient de faire attention au dosage de compléments alimentaires à l’approche d’une opération, car ce sont des fluidifiants sanguins. Si jamais on doit se faire opérer, il faut arrêter la prise d’omégas 3 au moins huit jours avant et huit jours après. Enfin, les oméga 3 font partie de la réadaptation alimentaire notamment dans le cancer du sein". Les compléments alimentaires sont à manier avec précaution. Il convient de juger avant tout de l’utilité et de la pertinence de la prescription par un dosage sanguin, aujourd’hui accessibles aux médecins nutritionnistes. L’excès de sucre, de viande, de produits laitiers, de graisses saturées ou encore de produits transformés favorise une inflammation de l’organisme dite à bas bruit, constituant un environnement propice à l’apparition de cancer. Une alimentation anti inflammatoire avec beaucoup de végétaux le protège par les fibres, les minéraux et les vitamines. "Entre se faire plaisir tous les jours dans une société d’abondance qui a perdu ses repères notamment sur l’alimentation et la notion de plaisir occasionnelle, il existe un monde. Chacun est libre de gérer sa santé comme il le souhaite mais un choix alimentaire reste possible", conclut le Dr Kieser.
Par Leïla Bapoo.
Mises en garde du Dr Bernard Kieser
"Certains patients se lancent parfois dans des diètes drastiques comme le régime cétogène ou encore le jeune sur une longue période. Ils ne sont pas clairement informés sur ces techniques qui présentent certes un intérêt lorsqu’elles sont bien maîtrisées mais qui peuvent être dangereuses si elles ne le sont pas. Sans surveillance, ces méthodes peuvent provoquer des rebonds de la maladie, accompagnés d’une fonte musculaire. Les séjours de jeune peuvent favoriser l’amaigrissement du patient et la croissance cancéreuse. Lorsqu’on stresse la cellule trop longtemps avec un jeune prolongé, elle trouve le moyen de se développer en allant pomper dans les muscles. La diète cétogène, vulgarisée par de nombreux ouvrages, engendre des récidives catastrophiques chez des patients en rupture avec les soins conventionnels et sans suivi ni conseils avisés. En revanche, j’ai constaté que le jeûne intermittent comporte un réel intérêt sur la tolérance des traitements de chimiothérapie. Les patients présentent moins de troubles digestifs. On sait aussi que le jeûne intermittent permet une meilleure efficacité des traitements avec moins d’effets secondaires. Concernant la prise de compléments alimentaires. Il est important d’éviter le cuivre, le fer et la manganèse ainsi que les compléments qui en comportent. Pris sur une longue période et sans surveillance, ils augmentent le stress oxydatif, favorisent l’inflammation et par là même le risque d’émergence de cancer. Il faut donc s’en méfier".
Quand prescrire ou pas des antioxydants ?
Des antioxydants peuvent être prescrits durant le traitement lorsque le patient atteint de cancer présente un déficit évalué par le biais d’une analyse biologique. En revanche, au moment de la chimiothérapie et durant une semaine, il convient d’interrompre la prise d’antioxydants, pour en reprendre une semaine plus tard mais à des doses nutritionnelles. "Il ne faut jamais prescrire des doses supra nutritionnelles. On doit combler les déficiences par petites doses sur plusieurs semaines ou plusieurs mois", préconise le Dr Kieser. Outre l’apport d’antioxydants dans la nourriture, certains sont fabriqués par le corps. L’un d’entre eux, le Co enzyme Q10 est abaissé chez les personnes âgées et les personnes très sportives. Cet anti oxydant est un protecteur cardiaque. "Certaines chimiothérapies sont agressives pour le cœur, il est conseillé de donner du Co enzyme Q10 durant le traitement", recommande le médecin. En revanche, certains compléments alimentaires comme le glutathion sont contrindiqués pendant le traitement du cancer. À supposer qu’il soit bien absorbé par l’organisme, on pourrait directement contrarier les effets du traitement. "Trop d’apports en antioxydants peuvent gêner le traitement anti cancéreux voire aggraver l’état de santé du patient. Et pour cause, le traitement provoque justement l’oxydation afin de tuer les cellules cancéreuses. C’est pourquoi, leur prescription doit être réalisée par un professionnel et non en auto médication. Lorsqu’on prescrit des antioxydants, il faut conseiller des complexes à base de vitamine C, de caroténoïdes, de sélénium à des doses nutritionnelles et uniquement chez des gens déficients", conseille le Dr Kieser.
Les principaux cancers directement liés à l’alimentation
- L’excès de viande grillée favorise le cancer du côlon à cause de la réaction de Maillard. Il s’agit du brunissement formé à la cuisson. - Les excès de produits laitiers sont impliqués dans le cancer de la prostate. Ce cancer est également lié au fait de manger peu de légumes à feuilles, favorisant ainsi la carence en vitamine K. - Les cancers de la bouche et de la région ORL sont liés à l’excès d’alcool. La cigarette est un facteur aggravant de ce type de pathologies. - Les cancers de l’estomac sont favorisés par les excès de sel et de viandes fumées. "Beaucoup plus de femmes réunionnaises présentent des cancers de l’estomac, à cause d’un excès de boucanés", déclare le médecin. - L’excès de graisses saturées fait partie des facteurs de risque de l’apparition du cancer du sein.
Le mythe des phytooestrogènes de soja dans les cancers hormono-dépendants
Il existe énormément de plantes qui contiennent des phytooestrogènes : les agrumes, les épinards, les légumineuses dont le soja, les céréales, le houblon ou encore le lin. Une cuillère à soupe de lin broyé contient beaucoup plus de phytooestrogènes qu’un steak de soja. Les phytooestrogènes sont des molécules qui comportent une ressemblance biochimique avec les œstrogènes féminins. Ils ont la capacité de se fixer très facilement sur les récepteurs des oestrogènes mais avec une capacité d’action oestrogénique des centaines de fois moins importantes que les oestrogènes féminins. "Les phytooestogènes n’augmentent pas le niveau d’œstrogènes dans le sang et les cellules de la femme. Les facteurs de cancers hormono-dépendants restent le surpoids et la prise de pilule contraceptive, car ils augmentent largement le taux d’oestrogènes à un niveau délétère. Okinawa est l’endroit qui compte le moins de cancer du sein au monde et c’est aussi là où les femmes consomment le plus de soja et ce depuis leur adolescence. Le soja alimentaire ne comporte pas de risques pour la santé, bien au contraire. Néanmoins, les compléments alimentaires fortement dosés en phytooestrogènes peuvent contrarier le traitement d’hormonothérapie d’un cancer du sein", explique le médecin.
L’apport des probiotiques
Un certain nombre de chimiothérapies est amélioré par la prise de probiotiques. La qualité de la flore intestinale retentit directement sur l’efficacité des traitements. Lorsque l’on prescrit des souches de lactobacillus acidophillus, dans les chimiothérapies qui utilisent les sels de platine, on constate une amélioration de la réponse au traitement et une diminution de ses effets secondaires. C’est pourquoi la prise de fibre est primordiale pour son effet prébiotique, en augmentant le nombre de bactéries amies de la flore intestinale.
Les bases du régime crétois
L’assiette crétoise est constituée de 80% de végétaux et 20% de protéines animales avec des "bonnes" huiles comme l’huile d’olive. Il convient d’éviter les huiles de tournesol, d’arachide, de pépins de raisin ou encore de maïs. On consommera beaucoup de fruits et légumes avec une forte proportion en fruits et légumes crues, beaucoup de légumineuses, des céréales complètes, des fruits à coque, du poisson deux à trois fois par semaine et de la viande une ou deux fois par semaine. Les produits laitiers ne sont pas nécessaires.
Source: Clicanoo. Par Leila Bapoo. Le 08/07/2018.