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FJ
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lundi 19 mars 2018
Jean Poisson est médecin pédiatre, chef du pôle pédiatrique au CHM. Il s'alarme de la situation sanitaire des enfants du département, isolés de l'hôpital par les barrages.
Selon lui, il est probable que le bébé mort à Koungou ne soit pas le seul décès à déplorer.
Le chef de pôle du service psychiatrie désespère. Si le médecin, personnellement victime de plusieurs agressions, comprends parfaitement les motifs de la contestation, il appelle les grévistes à la responsabilité. » Il faut laisser passer les acteurs de santé de l’hôpital. On a entendu sur des barrages que ce serait l’hôpital des Comoriens, mais là on parle d’enfants, et un enfant c’est l’enfant de tout le monde ».
« Je ne pense pas que la population mahoraise dans son ensemble soit d’accord avec ce qui se passe, poursuit-il. Le problème c’est la méthode, on ne tire pas sur l’ambulance, c’est invraisemblable qu’on bloque le fonctionnement de l’hôpital. Il ne s’agit pas d’agresser ceux qui tiennent les barrages, mais de les sensibiliser aux conséquences ». Et les conséquences sont d’ors et déjà dramatiques.
Frappé de plein fouet par cette grève qui s’éternise, le praticien ne manque pas d’exemple pour illustrer la gravité de la situation.
« On a beaucoup d’enfants qui sont en danger, explique-t-il. L’hôpital est en danger et les patients aussi car ils ne laissent pas passer le personnel médical aux barrages. Même le Smur ne passait pas par endroit jusqu’à hier. »
Revenant sur le décès survenu à Koungou, il confirme la mort d’un « nourrisson de 20 jours qui avait une bronchiolite et était en détresse respiratoire. » Les secours avaient été ralentis par l’épais barrage de Koungou. Mais combien d’autres ont pu subir le même sort ?
« Depuis deux semaines, on voit beaucoup moins de patients atteints de bronchiolites. On a une aile avec huit lit. Au lieu d’avoir les huit lits pleins, on en est à la moitié. Trois nous sont arrivés dans un état extrêmement grave et ont dû être pris en charge en réanimation. »
« Il n’est pas impossible que des enfants soient morts et enterrés en périphérie » déplore-t-il.
Les patients chroniques en danger à court terme
« On est aussi anxieux pour tous les patients chroniques qui vivent en brousse » poursuit le Dr Poisson. Notamment les patients handicapés cérébraux qui ne peuvent se nourrir seuls. « Beaucoup sont en rupture de poche alimentaire ».
Particulièrement touchés aussi, les enfants atteints de drépanocytose (une déformation génétique des globules rouges) peinent à bénéficier des transfusions dont ils ont besoin. « Un enfant drépanocytaire a été empêché de passer à un barrage. Il a dû être héliporté. Il était à 2 grammes d’hémoglobine au lieu de 12, ce qui veut dire une anémie sévère. »
200 autres enfants à Mayotte souffrent de la même maladie, plus une centaine d’adulte. Deux des enfants étaient attendus pour des soins programmés mais ne sont jamais arrivés. « L’un aurait dû être transfusé et un autre était attendu pour un échange transfusionnel afin de lui éviter un AVC. »
Les deux enfants ont trois et cinq ans. Ils recevront leur transfusion » la semaine prochaine, à condition qu’ils puissent passer d’ici-là » espère le médecin. Car le risque augmente de jour en jour pour ces enfants atteints de pathologies chroniques. Infection, anémie, vasculopathie ou détresse respiratoire font partie des épées de Damoclès qui pèsent au dessus de leur têtes en l’absence de transfusion.
« On a aussi reçu un enfant de 8 ans qui convulsait. Son papa a voulu l’amener ici en voiture, il a dû franchir le barrage à pied, avec son enfant dans les bras. Il a été admis en réanimation. »
Qui plus est, le bloc opératoire et le laboratoire « tournent au ralenti », les Evassan sont réduites « aux urgences vitales ».
« Une gamine avec une tumeur à l’ovaire a dû attendre une semaine, alors que les oncologues de La Réunion la réclamaient en urgence pour éviter des métastases » illustre le chef de pôle qui souligne « une perte de chance » pour ces petits patients particulièrement vulnérables.
Ces difficultés ne sont actuellement que la partie émergée de l’iceberg. Pour l’équipe médicale, le pire est à venir.
« Quand tout cela va s’arrêter, on va avoir un afflux d’enfants en piteux état » redoute le médecin qui en plus manque de personnel.
« J’avais 7 postes d’interne, je n’en ai que 3 qui sont venus. C’est la première fois que je vois ça. On travaille déjà en flux tendu et avec difficulté, mais ça ne fait que s’aggraver » alerte-t-il.
Source: lejournaldemayotte.com. Par Y.D. Le 19/03/2018.
Selon lui, il est probable que le bébé mort à Koungou ne soit pas le seul décès à déplorer.
Le chef de pôle du service psychiatrie désespère. Si le médecin, personnellement victime de plusieurs agressions, comprends parfaitement les motifs de la contestation, il appelle les grévistes à la responsabilité. » Il faut laisser passer les acteurs de santé de l’hôpital. On a entendu sur des barrages que ce serait l’hôpital des Comoriens, mais là on parle d’enfants, et un enfant c’est l’enfant de tout le monde ».
« Je ne pense pas que la population mahoraise dans son ensemble soit d’accord avec ce qui se passe, poursuit-il. Le problème c’est la méthode, on ne tire pas sur l’ambulance, c’est invraisemblable qu’on bloque le fonctionnement de l’hôpital. Il ne s’agit pas d’agresser ceux qui tiennent les barrages, mais de les sensibiliser aux conséquences ». Et les conséquences sont d’ors et déjà dramatiques.
Frappé de plein fouet par cette grève qui s’éternise, le praticien ne manque pas d’exemple pour illustrer la gravité de la situation.
« On a beaucoup d’enfants qui sont en danger, explique-t-il. L’hôpital est en danger et les patients aussi car ils ne laissent pas passer le personnel médical aux barrages. Même le Smur ne passait pas par endroit jusqu’à hier. »
Revenant sur le décès survenu à Koungou, il confirme la mort d’un « nourrisson de 20 jours qui avait une bronchiolite et était en détresse respiratoire. » Les secours avaient été ralentis par l’épais barrage de Koungou. Mais combien d’autres ont pu subir le même sort ?
« Depuis deux semaines, on voit beaucoup moins de patients atteints de bronchiolites. On a une aile avec huit lit. Au lieu d’avoir les huit lits pleins, on en est à la moitié. Trois nous sont arrivés dans un état extrêmement grave et ont dû être pris en charge en réanimation. »
« Il n’est pas impossible que des enfants soient morts et enterrés en périphérie » déplore-t-il.
Les patients chroniques en danger à court terme
« On est aussi anxieux pour tous les patients chroniques qui vivent en brousse » poursuit le Dr Poisson. Notamment les patients handicapés cérébraux qui ne peuvent se nourrir seuls. « Beaucoup sont en rupture de poche alimentaire ».
Particulièrement touchés aussi, les enfants atteints de drépanocytose (une déformation génétique des globules rouges) peinent à bénéficier des transfusions dont ils ont besoin. « Un enfant drépanocytaire a été empêché de passer à un barrage. Il a dû être héliporté. Il était à 2 grammes d’hémoglobine au lieu de 12, ce qui veut dire une anémie sévère. »
200 autres enfants à Mayotte souffrent de la même maladie, plus une centaine d’adulte. Deux des enfants étaient attendus pour des soins programmés mais ne sont jamais arrivés. « L’un aurait dû être transfusé et un autre était attendu pour un échange transfusionnel afin de lui éviter un AVC. »
Les deux enfants ont trois et cinq ans. Ils recevront leur transfusion » la semaine prochaine, à condition qu’ils puissent passer d’ici-là » espère le médecin. Car le risque augmente de jour en jour pour ces enfants atteints de pathologies chroniques. Infection, anémie, vasculopathie ou détresse respiratoire font partie des épées de Damoclès qui pèsent au dessus de leur têtes en l’absence de transfusion.
« On a aussi reçu un enfant de 8 ans qui convulsait. Son papa a voulu l’amener ici en voiture, il a dû franchir le barrage à pied, avec son enfant dans les bras. Il a été admis en réanimation. »
Qui plus est, le bloc opératoire et le laboratoire « tournent au ralenti », les Evassan sont réduites « aux urgences vitales ».
« Une gamine avec une tumeur à l’ovaire a dû attendre une semaine, alors que les oncologues de La Réunion la réclamaient en urgence pour éviter des métastases » illustre le chef de pôle qui souligne « une perte de chance » pour ces petits patients particulièrement vulnérables.
Ces difficultés ne sont actuellement que la partie émergée de l’iceberg. Pour l’équipe médicale, le pire est à venir.
« Quand tout cela va s’arrêter, on va avoir un afflux d’enfants en piteux état » redoute le médecin qui en plus manque de personnel.
« J’avais 7 postes d’interne, je n’en ai que 3 qui sont venus. C’est la première fois que je vois ça. On travaille déjà en flux tendu et avec difficulté, mais ça ne fait que s’aggraver » alerte-t-il.
Source: lejournaldemayotte.com. Par Y.D. Le 19/03/2018.