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vendredi 16 mars 2018
Avec des délais d'environ une semaine dans la transmission des résultats d'analyses,
la lutte prophylactique contre la dengue va nécessairement perdre en efficience. Et c'est la lutte contre l'extension de l'épidémie naissante qui en pâtit.
Les autorités sanitaires de l'île ont-elles tiré des enseignements instructifs de la crise du chikungunya ? Rien n'est moins sûr. Souvenons-nous tout de même que début mai 2005, le numéro deux de la Drass, ancêtre de l'ARS-OI, affirmait de manière péremptoire : «il n' y a pas de chikungunya à La Réunion ! C'est une maladie endémique des Comores ! En tout état de cause, le chikungunya n'est pas une maladie mortelle !». Dix-huit mois plus tard, 330000 Réunionnaises et Réunionnais avaient été contaminés, environ 280 d'entre eux y avaient succombé, dans la plupart des cas du fait d'une pathologie associée.
Douze ans après, la gestion de l'épidémie de dengue naissante semble marquée d'un curieux amateurisme. Un patient suspecté d'être porteur du virus de la dengue doit attendre entre une semaine et dix jours, voire douze, après la prise de sang, avant de savoir si sa contamination est confirmée ou pas.
Si l'ARS ne considère pas les données recueillies comme alarmantes, la dengue fait tout de même plus de dégâts cette année, qu'antérieurement. En 2016, elle a recensé 231 cas, entre mars et mai. Dans son point de situation épidémiologique du 13 mars dernier, l'agence indique : 131 cas confirmés pour la seule semaine du 5 au 11 mars, ce qui porte à 324 le nombre de cas autochtones signalés en 2018. «Tous ces cas sont médicalement avérés, confirment un médecin de l'ARS. A chaque cas correspond une sérologie positive. On n'est pas dans une extrapolation mathématique».
La différence avec le chikungunya est de taille : l'analyse de sang dite PCR se fait désormais à La Réunion, dans les unités biologiques du CHU, sur les sites de Saint-Denis et Terre-Sainte Saint-Pierre. En 2006, les prélèvements sanguins effectués sur les personnes suspectées de chick prenaient l'avion et étaient traités à l'Institut Mérieux Pasteur à Lyon.
Ce traitement biologique sur place est-il synonyme de progrès ? Pas sûr. Un patient ayant ressenti, vendredi dernier, les premiers symptômes de fièvre, de douleurs articulaires et de céphalées, a consulté un médecin dimanche. Ce dernier a prescrit une analyse sanguine PCR.
Le prélèvement sanguin a eu lieu lundi matin, vers 8 h 30, dans un cabinet infirmier du sud. Le jour même, vers 11 h, le patient a reçu un appel du laboratoire d'analyses, qui souhaitait recueillir plus d'informations sur sa situation de santé, mais aussi sur son environnement de vie. «Au cas où il faudrait alerter l'ARS, si le test est positif» lui a-t-on expliqué. A la question de savoir quand lui seraient communiqués ces résultats : la réponse est spontanée : «comptez une dizaine de jours».
Que de temps perdu !
A l'ARS, le délai semble anormalement long. C'est pourtant la réalité. «Entre une semaine et dix jours, entre le prélèvement et la transmission des résultats aux patients» confirme un autre laboratoire du sud de l'île. «Une semaine» assure la responsable d'un autre labo. Le patient du sud, dont le cas est évoqué ci-dessus, attend toujours de savoir s'il a eu la dengue ou pas. Dans plusieurs jours, retapé et en pleine forme, il sera heureux des résultats, quels qu'ils soient : ou la dengue confirmée ne sera qu'un mauvais souvenir, ou il ne l'aura pas contractée.
Le délai d'identification de la dengue a une double importance. Plus il est court, plus il permet au patient de se protéger d'éventuelles piqures, afin d'éviter de contaminer. Il permet aussi à l'ARS d'intervenir dans son environnement de vie pour les opérations de démoustication. Non pas avec les Kangoo, (aménagés facturés non payés, voir les éditos de Jacque Tillier), mais avec les bons vieux Hilux Toyota. Aujourd'hui, avec les délais entre la prise de sang et la communication des résultats, une semaine de délai, c'est autant de temps perdu.
«Le délai d'incubation et donc de l'apparition du virus peut aller de 4 à 10 jours, explique un médecin biologiste. Si l'on est dans un délai de 5 à 7 jours après l'apparition des premiers symptômes, la personne est encore contaminante. Il faut donc prescrire une analyse biologique moléculaire, dite PCR, qui est faite à La Réunion. Au-delà, ce peut être une sérologie, réalisée dans un laboratoire en métropole". Le processus sanitaire le plus fréquent prévoit des délais plus courts, compatibles avec une lutte anti-vectorielle efficace. «Les deux unités du CHU, à Bellepierre et à Terre Sainte sont parfaitement adaptées, explique un cadre de santé. Si le prélèvement est fait le matin, il est acheminé au labo et suivant le rythme, le résultat est connu au maximum 48 heures après. Si la dengue est détectée, c'est le service de l'hôpital qui alerte directement l'ARS. Les informations sont également transmises au laboratoire privé par lequel a transité la prise de sang. Et également au médecin prescripteur ».
Pas de traitement particulier
La réactivité de cette chaine sanitaire ne fait pas l'objet d'un protocole imposé par l'ARS. Ce que demande l'agence, c'est d'être informé pour traiter chimiquement l'environnement de la personne contaminée à la dengue. «Oui, sourit une professionnelle de santé. Il est arrivé qu'un patient apprenne qu'il avait la dengue parce que les agents de l'ARS étaient déjà là pour démoustiquer son jardin, alors que son médecin ne l'avait pas encore informé ». Ces délais anormalement longs surprennent du côté de l'ARS. «Mais c'est bien que nous en soyons informés». Du côté des laboratoires biologiques hospitaliers, on est serein. «Les tests sont effectués 5 jours sur 7. Le traitement d'un prélèvement prend environ 5 heures de manipulation. Trois séries de 96 prèlévements peuvent être traitées par jours».
Le corps médical confirme que les délais entre prèlévements et communication des résultats est sans incidence sur les les patients. «Ce n'est pas la dengue, avérée ou pas, que nous soignons, explique un médecin généraliste. Ce sont des symptômes de fièvre, de maux de tête ou de douleurs articulaires. On évite l'aspirine, puisque la dengue peut aussi se traduire par des hémorragies». C'est donc la lutte anti-vectorielle qui pâtit de cette gestion chaotique de la détection.
Dans l'absolu, il peut se passer jusqu'à vingt jours, entre le moment où le moustique pique sa proie et celui où il se fait sulfater par les agents ARD en pick-up. En supposant que l'aedes albopictus soit resté dans le coin.
Source: Clicanoo.re. Par Jean-Noël Fortier. Le 15/03/2018.
la lutte prophylactique contre la dengue va nécessairement perdre en efficience. Et c'est la lutte contre l'extension de l'épidémie naissante qui en pâtit.
Les autorités sanitaires de l'île ont-elles tiré des enseignements instructifs de la crise du chikungunya ? Rien n'est moins sûr. Souvenons-nous tout de même que début mai 2005, le numéro deux de la Drass, ancêtre de l'ARS-OI, affirmait de manière péremptoire : «il n' y a pas de chikungunya à La Réunion ! C'est une maladie endémique des Comores ! En tout état de cause, le chikungunya n'est pas une maladie mortelle !». Dix-huit mois plus tard, 330000 Réunionnaises et Réunionnais avaient été contaminés, environ 280 d'entre eux y avaient succombé, dans la plupart des cas du fait d'une pathologie associée.
Douze ans après, la gestion de l'épidémie de dengue naissante semble marquée d'un curieux amateurisme. Un patient suspecté d'être porteur du virus de la dengue doit attendre entre une semaine et dix jours, voire douze, après la prise de sang, avant de savoir si sa contamination est confirmée ou pas.
Si l'ARS ne considère pas les données recueillies comme alarmantes, la dengue fait tout de même plus de dégâts cette année, qu'antérieurement. En 2016, elle a recensé 231 cas, entre mars et mai. Dans son point de situation épidémiologique du 13 mars dernier, l'agence indique : 131 cas confirmés pour la seule semaine du 5 au 11 mars, ce qui porte à 324 le nombre de cas autochtones signalés en 2018. «Tous ces cas sont médicalement avérés, confirment un médecin de l'ARS. A chaque cas correspond une sérologie positive. On n'est pas dans une extrapolation mathématique».
La différence avec le chikungunya est de taille : l'analyse de sang dite PCR se fait désormais à La Réunion, dans les unités biologiques du CHU, sur les sites de Saint-Denis et Terre-Sainte Saint-Pierre. En 2006, les prélèvements sanguins effectués sur les personnes suspectées de chick prenaient l'avion et étaient traités à l'Institut Mérieux Pasteur à Lyon.
Ce traitement biologique sur place est-il synonyme de progrès ? Pas sûr. Un patient ayant ressenti, vendredi dernier, les premiers symptômes de fièvre, de douleurs articulaires et de céphalées, a consulté un médecin dimanche. Ce dernier a prescrit une analyse sanguine PCR.
Le prélèvement sanguin a eu lieu lundi matin, vers 8 h 30, dans un cabinet infirmier du sud. Le jour même, vers 11 h, le patient a reçu un appel du laboratoire d'analyses, qui souhaitait recueillir plus d'informations sur sa situation de santé, mais aussi sur son environnement de vie. «Au cas où il faudrait alerter l'ARS, si le test est positif» lui a-t-on expliqué. A la question de savoir quand lui seraient communiqués ces résultats : la réponse est spontanée : «comptez une dizaine de jours».
Que de temps perdu !
A l'ARS, le délai semble anormalement long. C'est pourtant la réalité. «Entre une semaine et dix jours, entre le prélèvement et la transmission des résultats aux patients» confirme un autre laboratoire du sud de l'île. «Une semaine» assure la responsable d'un autre labo. Le patient du sud, dont le cas est évoqué ci-dessus, attend toujours de savoir s'il a eu la dengue ou pas. Dans plusieurs jours, retapé et en pleine forme, il sera heureux des résultats, quels qu'ils soient : ou la dengue confirmée ne sera qu'un mauvais souvenir, ou il ne l'aura pas contractée.
Le délai d'identification de la dengue a une double importance. Plus il est court, plus il permet au patient de se protéger d'éventuelles piqures, afin d'éviter de contaminer. Il permet aussi à l'ARS d'intervenir dans son environnement de vie pour les opérations de démoustication. Non pas avec les Kangoo, (aménagés facturés non payés, voir les éditos de Jacque Tillier), mais avec les bons vieux Hilux Toyota. Aujourd'hui, avec les délais entre la prise de sang et la communication des résultats, une semaine de délai, c'est autant de temps perdu.
«Le délai d'incubation et donc de l'apparition du virus peut aller de 4 à 10 jours, explique un médecin biologiste. Si l'on est dans un délai de 5 à 7 jours après l'apparition des premiers symptômes, la personne est encore contaminante. Il faut donc prescrire une analyse biologique moléculaire, dite PCR, qui est faite à La Réunion. Au-delà, ce peut être une sérologie, réalisée dans un laboratoire en métropole". Le processus sanitaire le plus fréquent prévoit des délais plus courts, compatibles avec une lutte anti-vectorielle efficace. «Les deux unités du CHU, à Bellepierre et à Terre Sainte sont parfaitement adaptées, explique un cadre de santé. Si le prélèvement est fait le matin, il est acheminé au labo et suivant le rythme, le résultat est connu au maximum 48 heures après. Si la dengue est détectée, c'est le service de l'hôpital qui alerte directement l'ARS. Les informations sont également transmises au laboratoire privé par lequel a transité la prise de sang. Et également au médecin prescripteur ».
Pas de traitement particulier
La réactivité de cette chaine sanitaire ne fait pas l'objet d'un protocole imposé par l'ARS. Ce que demande l'agence, c'est d'être informé pour traiter chimiquement l'environnement de la personne contaminée à la dengue. «Oui, sourit une professionnelle de santé. Il est arrivé qu'un patient apprenne qu'il avait la dengue parce que les agents de l'ARS étaient déjà là pour démoustiquer son jardin, alors que son médecin ne l'avait pas encore informé ». Ces délais anormalement longs surprennent du côté de l'ARS. «Mais c'est bien que nous en soyons informés». Du côté des laboratoires biologiques hospitaliers, on est serein. «Les tests sont effectués 5 jours sur 7. Le traitement d'un prélèvement prend environ 5 heures de manipulation. Trois séries de 96 prèlévements peuvent être traitées par jours».
Le corps médical confirme que les délais entre prèlévements et communication des résultats est sans incidence sur les les patients. «Ce n'est pas la dengue, avérée ou pas, que nous soignons, explique un médecin généraliste. Ce sont des symptômes de fièvre, de maux de tête ou de douleurs articulaires. On évite l'aspirine, puisque la dengue peut aussi se traduire par des hémorragies». C'est donc la lutte anti-vectorielle qui pâtit de cette gestion chaotique de la détection.
Dans l'absolu, il peut se passer jusqu'à vingt jours, entre le moment où le moustique pique sa proie et celui où il se fait sulfater par les agents ARD en pick-up. En supposant que l'aedes albopictus soit resté dans le coin.
Source: Clicanoo.re. Par Jean-Noël Fortier. Le 15/03/2018.