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olivier.jouas
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mercredi 21 février 2018
CANCERS PEDIATRIQUES. "C'est à gerber qu'on laisse crever nos gamins parce qu'il n'y a pas de pouvoir politique qui a décidé de mettre un peu d'argent dans la recherche..."
Jeudi dernier, à l'occasion de la journée internationale des cancers pédiatriques, dans une des salles de réunion de l'Assemblée nationale, les prises de parole, ont permis d'entendre des témoignages terribles.
À l'initiative du Réunionnais Gerry Ah Hee Ayan et de la députée Ericka Bareigts, une cinquantaine de personnes, toutes ou presque parents d'un enfant atteint ou décédé d'un cancer pédiatrique, se sont retrouvées pour partager leur expérience mais aussi pour débattre. À travers l'idée d'un "parti des enfants" ou d'une fédération "grandir sans cancer", ils souhaitent acquérir une plus grande visibilité médiatique pour une meilleure prise de conscience des politiques et de la population. Chaque année, ils sont quelque 500 parents à perdre leur "ange" des suites d'un cancer ou d'une maladie rare. La recherche ne consacre que 3% de ses fonds à ces enfants. Sur 380 000 cancers diagnostiqués chaque année, 2500 concernent les enfants. Seuls ou regroupés en associations comme "le défi de Fortuné", "Eva pour la vie", "tous derrière Léa", les parents continuent de se battre par-delà la mort. "On aurait pu faire résilience en tournant la page, explique Gerry, mais nous continuons à nous battre même si pour nous, c'est du passé !" Gerry a perdu sa fille Anne-Laure d'un cancer cérébral il y a six ans. Autour de lui, Ghislaine venue du centre de la France, mère du jeune Amaury décédé à 13 ans d'une tumeur cérébrale, Anne, mère du petit Guillaume, décédé en octobre dernier, Jessica, mère de Léa, victime d'une maladie rare, Stéphane, père d'Eva, elle aussi emportée par une tumeur cérébrale... "Pourquoi elle, pourquoi lui" ont souvent été la première question de ces parents, mais aussitôt suivie de cette autre : "Pourquoi n'y a-t-il pas de traitement?" La recherche existe pourtant, mais elle est confrontée à un problème de rareté du mal et de rentabilité dans l'industrie pharmaceutique...
Transformer la colère
Stéphane qui a monté l'association "Eva pour la vie", a étudié la structure des soutiens financiers à la recherche menée par l'Inserm dans sa ville de Bordeaux : "L'université donne 240 000 euros, puis les associations, de 150 000, à 40 000... La ligue régionale contre le cancer n'arrive qu'en 6e position. Quant à l'ARC, l'institut national contre le cancer ou l'industrie pharmaceutique, ils ne donnent rien. Et c'est comme ça dans toutes les régions de France!" Le député UDI Jean-Christophe Lagarde avait bien tenté de détourner une partie du produit de la taxe Chirac sur les compagnies aériennes au profit de la recherche... En vain. Cette fois, c'est le député En marche de Bordeaux, Benoît Simian, qui veut tenter à son tour un amendement pour affecter une partie de la taxe Chirac aux cancers pédiatriques. "Nous devons travailler avec Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, soutient-il. Tous les moyens viennent des associations et non de la solidarité nationale..." Il n'y a pas que la recherche qui manque de fonds. La présidente du groupe d'étude sur les cancers pédiatriques de la précédente Assemblée nationale concluait : "La situation est pire que ce que j'imaginais, notamment sur le volet social." "Tous les parents, raconte Jessica, rencontrent les mêmes problèmes avec des professionnels qui n'écoutent pas, avec la sécurité sociale, les soins à l'étranger..." Ketty, de l'association réunionnaise "Petit prince marmaille" se demande comment mieux faire vivre leurs associations qui sont les seules à accompagner les parents. Car s'il faut financer la recherche, faire des campagnes d'information, les associations restent les seules à pousser la réflexion, à demander quoi faire demain pour avancer... Les associations qui étaient réunies à Paris jeudi ont décidé de se revoir une fois par semestre... "Mon gamin est parti, a dit la maman du petit Guillaume, je suis en colère mais je veux la transformer en énergie positive!"
FXG, à Paris
Gerry Ah Hee Ayan : “La vie de mon enfant n'a pas de prix!”
- Quel a été le point de départ de cette journée ?
J'ai écrit l'an dernier "Pourquoi je suis pas un papillon", un livre sur le combat de ma fille. Il m'a valu beaucoup de contact avec ces associations et c'est alors que je me suis rendu compte que nous pouvions faire quelque chose ensemble parce que je me suis rendu compte que les cancers pédiatriques sont les oubliés de la recherche médicale. C'est compliqué parce qu'il y a soixante cas différents de cancers pédiatriques... Mais en tant que père, la vie mon enfant n'a pas de prix !
- Qu'espérez-vous en organisant cette journée ?
J'ai été président de la fédération des associations chinoises de la Réunion qui regroupait 35 associations donc j'ai cette expérience de la mutualisation et de la fédération et c'est ce que, humblement, je souhaite amener. Le message a été entendu parce que nous avons tous vécu un drame important dans notre vie, celui de la perte d'un enfant. Toutes les actions sont bonnes, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est les rendre efficaces, plus visibles.
- Écrire un livre, témoigner vous a-t-il aidé ?
J'ai mis beaucoup de temps avant d m'y mettre, trois ans, mais je ne l'avais pas écrit pour qu'il soit édité. Je l'avais écrit pour raconter des scènes très fortes qui se sont déroulées dans l'intimité d'un cabinet médical ou celle du salon familial et que je voulais partager avec ma famille. Je n'arrivais pas à le dire alors j'ai écrit... Et c'est arrivé chez l'Archipel.
- C'est ce livre qui a convaincu la députée de vous ouvrir les portes de l'Assemblée nationale ?
Avant d'être députée, Ericka Bareigts est d'abord une mère de famille. Elle a des filles dont une qui a le même âge que la mienne et qui était sa meilleure amie. C'est par ailleurs elle qui a tilté sur la date du 15 février, journée nationale du cancer de l'enfant...
Propos recueillis par FXG, à Paris
Source: Clicanoo.re. Le 20/02/2018.
Jeudi dernier, à l'occasion de la journée internationale des cancers pédiatriques, dans une des salles de réunion de l'Assemblée nationale, les prises de parole, ont permis d'entendre des témoignages terribles.
À l'initiative du Réunionnais Gerry Ah Hee Ayan et de la députée Ericka Bareigts, une cinquantaine de personnes, toutes ou presque parents d'un enfant atteint ou décédé d'un cancer pédiatrique, se sont retrouvées pour partager leur expérience mais aussi pour débattre. À travers l'idée d'un "parti des enfants" ou d'une fédération "grandir sans cancer", ils souhaitent acquérir une plus grande visibilité médiatique pour une meilleure prise de conscience des politiques et de la population. Chaque année, ils sont quelque 500 parents à perdre leur "ange" des suites d'un cancer ou d'une maladie rare. La recherche ne consacre que 3% de ses fonds à ces enfants. Sur 380 000 cancers diagnostiqués chaque année, 2500 concernent les enfants. Seuls ou regroupés en associations comme "le défi de Fortuné", "Eva pour la vie", "tous derrière Léa", les parents continuent de se battre par-delà la mort. "On aurait pu faire résilience en tournant la page, explique Gerry, mais nous continuons à nous battre même si pour nous, c'est du passé !" Gerry a perdu sa fille Anne-Laure d'un cancer cérébral il y a six ans. Autour de lui, Ghislaine venue du centre de la France, mère du jeune Amaury décédé à 13 ans d'une tumeur cérébrale, Anne, mère du petit Guillaume, décédé en octobre dernier, Jessica, mère de Léa, victime d'une maladie rare, Stéphane, père d'Eva, elle aussi emportée par une tumeur cérébrale... "Pourquoi elle, pourquoi lui" ont souvent été la première question de ces parents, mais aussitôt suivie de cette autre : "Pourquoi n'y a-t-il pas de traitement?" La recherche existe pourtant, mais elle est confrontée à un problème de rareté du mal et de rentabilité dans l'industrie pharmaceutique...
Transformer la colère
Stéphane qui a monté l'association "Eva pour la vie", a étudié la structure des soutiens financiers à la recherche menée par l'Inserm dans sa ville de Bordeaux : "L'université donne 240 000 euros, puis les associations, de 150 000, à 40 000... La ligue régionale contre le cancer n'arrive qu'en 6e position. Quant à l'ARC, l'institut national contre le cancer ou l'industrie pharmaceutique, ils ne donnent rien. Et c'est comme ça dans toutes les régions de France!" Le député UDI Jean-Christophe Lagarde avait bien tenté de détourner une partie du produit de la taxe Chirac sur les compagnies aériennes au profit de la recherche... En vain. Cette fois, c'est le député En marche de Bordeaux, Benoît Simian, qui veut tenter à son tour un amendement pour affecter une partie de la taxe Chirac aux cancers pédiatriques. "Nous devons travailler avec Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, soutient-il. Tous les moyens viennent des associations et non de la solidarité nationale..." Il n'y a pas que la recherche qui manque de fonds. La présidente du groupe d'étude sur les cancers pédiatriques de la précédente Assemblée nationale concluait : "La situation est pire que ce que j'imaginais, notamment sur le volet social." "Tous les parents, raconte Jessica, rencontrent les mêmes problèmes avec des professionnels qui n'écoutent pas, avec la sécurité sociale, les soins à l'étranger..." Ketty, de l'association réunionnaise "Petit prince marmaille" se demande comment mieux faire vivre leurs associations qui sont les seules à accompagner les parents. Car s'il faut financer la recherche, faire des campagnes d'information, les associations restent les seules à pousser la réflexion, à demander quoi faire demain pour avancer... Les associations qui étaient réunies à Paris jeudi ont décidé de se revoir une fois par semestre... "Mon gamin est parti, a dit la maman du petit Guillaume, je suis en colère mais je veux la transformer en énergie positive!"
FXG, à Paris
Gerry Ah Hee Ayan : “La vie de mon enfant n'a pas de prix!”
- Quel a été le point de départ de cette journée ?
J'ai écrit l'an dernier "Pourquoi je suis pas un papillon", un livre sur le combat de ma fille. Il m'a valu beaucoup de contact avec ces associations et c'est alors que je me suis rendu compte que nous pouvions faire quelque chose ensemble parce que je me suis rendu compte que les cancers pédiatriques sont les oubliés de la recherche médicale. C'est compliqué parce qu'il y a soixante cas différents de cancers pédiatriques... Mais en tant que père, la vie mon enfant n'a pas de prix !
- Qu'espérez-vous en organisant cette journée ?
J'ai été président de la fédération des associations chinoises de la Réunion qui regroupait 35 associations donc j'ai cette expérience de la mutualisation et de la fédération et c'est ce que, humblement, je souhaite amener. Le message a été entendu parce que nous avons tous vécu un drame important dans notre vie, celui de la perte d'un enfant. Toutes les actions sont bonnes, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est les rendre efficaces, plus visibles.
- Écrire un livre, témoigner vous a-t-il aidé ?
J'ai mis beaucoup de temps avant d m'y mettre, trois ans, mais je ne l'avais pas écrit pour qu'il soit édité. Je l'avais écrit pour raconter des scènes très fortes qui se sont déroulées dans l'intimité d'un cabinet médical ou celle du salon familial et que je voulais partager avec ma famille. Je n'arrivais pas à le dire alors j'ai écrit... Et c'est arrivé chez l'Archipel.
- C'est ce livre qui a convaincu la députée de vous ouvrir les portes de l'Assemblée nationale ?
Avant d'être députée, Ericka Bareigts est d'abord une mère de famille. Elle a des filles dont une qui a le même âge que la mienne et qui était sa meilleure amie. C'est par ailleurs elle qui a tilté sur la date du 15 février, journée nationale du cancer de l'enfant...
Propos recueillis par FXG, à Paris
Source: Clicanoo.re. Le 20/02/2018.