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FJ
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jeudi 8 février 2018
Ils et elles sont une vingtaine... pas mal, étant donné que leur effectif total à Mayotte est de 44 !
Eux et elles, ce sont les infirmières et infirmiers scolaires, les premières étant plus nombreuses que les seconds. Ils suivaient aujourd’hui un mot d’ordre national, mais comme pour tous les sujets traitant de la santé et/ou de l’éducation à Mayotte, les revendications locales prennent le dessus.
La mobilisation nationale vise à maintenir les infirmiers scolaires dans le giron du ministère de l’Education nationale, et non de le basculer vers celui de la Santé. « Justement, il y a plusieurs années, notre profession dépendait de la Santé. C’est bien parce qu’on a trouvé plus judicieux que le suivi médical d’un élève puisse être corrélé avec son évolution scolaire, et ses difficultés éventuelles, qu’elle a été intégrée à l’Education nationale », nous explique Nicole Filliung, ancienne secrétaire générale du syndicat SNICS-FSU, le Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de la santé.
Bien que retraitée depuis peu, elle a répondu présent à la réunion proposée par le syndicat, à SAS Australe ce mardi matin à Iloni. Autour de la table, les arguments déjà entendu de difficulté d’attractivité de Mayotte, qui débouche sur le recours croissant à des titulaires, 17 sur les 44 exerçant sur le territoire, et sur le recours à l’infirmière ou à l’infirmier de son établissement comme on irait voir son généraliste : « Même les dispensaires leur disent de venir nous voir ! Et le phénomène empire chaque lundi, ou à chaque retour de vacances. A la maison, leurs parents leur disent que s’ils sont malades, ils doivent se présenter à l’infirmerie. Même quand ils n’ont pas cours, ils viennent uniquement pour ça ».
Ce qui ne semble pas illogique en soi, mais appelle, pour se conformer à l’organisation voulue en métropole, à fournir aux parents quelques explications sur ce qu’est la médecine scolaire.
Plateforme de mutations non actualisée
A écouter Linda Brenon, infirmière contractuelle depuis 2 ans au collège de Doujani, « le plus gros de France », avec ses 2.000 élèves, son local d’infirmerie ne désemplit pas du matin au soir : « Ils sont 30 à 40 par jour, pour des soins liés à des plaies essentiellement, et des demandes de préservatifs, ou des problèmes de maux de ventre liés à une mauvaise alimentation. » Rappelons que 44 personnels infirmiers dont 17 contractuels sont en poste pour répondre aux besoins des 53047 élèves dans le 1er degré et 43879 élèves du 2e degré.
En lycée, témoigne Nicole Filliung qui a exercé 8 ans à Mayotte, « les demandes portent plutôt sur les risques sexuels, et également sur des douleurs liées à une mauvaise alimentation ». Elle s’estime plutôt bien équipée techniquement, « là dessus nous avons les moyens, avec une enveloppe globale de un euro par élève. » Mais face à leur rôle de premier plan en matière de santé, ils demandent une adaptation des locaux, « une salle d’attente ou un lieu de repos ».
Ces professionnels imputent aussi des dysfonctionnement au vice-rectorat dont ils dépendent donc : « J’ai un poste à moitié sur un lycée, et l’autre sur le primaire, mais sans que je sache quelles écoles m’ont été attribuées », explique un nouvel arrivé.
Selon eux, des titulaires seraient intéressés en métropole pour venir ici, mais auraient des difficultés de lisibilité de poste, « la plateforme AMIA qui gère nos mutations n’est pas actualisée. Seule la voie syndicale fonctionne ! »
Un seul médecin scolaire
Suite à cette pression de soins immédiats, une partie des missions normalement dévolues aux infirmières, notamment l’éducation à la santé, l’accueil, l’écoute et les soins dans les établissements scolaires sont délaissés.
La pénurie de médecin à l’échelle du territoire, les touche aussi durement, « il n’y a qu’un seul médecin scolaire pour l’ensemble de l’île ». Il est donc demandé aux infirmiers de faire preuve de bonne volonté et d’effectuer des visites de dépistage sensoriel auprès des élèves de 6 ans en opposition à l’article L 541-1 du code de l’éducation qui prévoit une visite médicale obligatoire et non un simple dépistage infirmier. Cette pratique laisse à croire que les enfants ont été vus, alors que ces élèves n’ont pas accès aux examens médicaux légalement prévus.
Il semblerait que deux candidats médecins aient été retenus à la suite d’un appel à candidature. Une rareté qui n’œuvre pas toujours en faveur de la qualité professionnelle, notamment sur les règles déontologiques, pointaient-ils à l’intention de certaines de leurs cadres conseillères techniques.
Etant donné le peu de spécialistes de santé à Mayotte qui avait été souligné par l’étude STATISS de l’ARS OI, il faut attendre parfois des mois pour attendre les missions en provenance de La Réunion, comme en cardiologie, en endocrinologie, en orthopédie, etc. Ce qui n’améliore pas le suivi des dépistages…
Si la profession veut continuer à dépendre de son ministère de l’Education nationale en dépit des critiques qu’elle formule, il faut l’envisager à Mayotte sous un prisme différent de la métropole. Car si le repas de la cantine est souvent le seul absorbé dans la journée, au cœur de collèges et lycées mastodontes, les infirmiers et infirmières sont parfois le seul contact médical qu’auront certains jeunes de toute leur scolarité.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
Publié le mardi 6 février 2018 à 16:42
La mobilisation nationale vise à maintenir les infirmiers scolaires dans le giron du ministère de l’Education nationale, et non de le basculer vers celui de la Santé. « Justement, il y a plusieurs années, notre profession dépendait de la Santé. C’est bien parce qu’on a trouvé plus judicieux que le suivi médical d’un élève puisse être corrélé avec son évolution scolaire, et ses difficultés éventuelles, qu’elle a été intégrée à l’Education nationale », nous explique Nicole Filliung, ancienne secrétaire générale du syndicat SNICS-FSU, le Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de la santé.
Bien que retraitée depuis peu, elle a répondu présent à la réunion proposée par le syndicat, à SAS Australe ce mardi matin à Iloni. Autour de la table, les arguments déjà entendu de difficulté d’attractivité de Mayotte, qui débouche sur le recours croissant à des titulaires, 17 sur les 44 exerçant sur le territoire, et sur le recours à l’infirmière ou à l’infirmier de son établissement comme on irait voir son généraliste : « Même les dispensaires leur disent de venir nous voir ! Et le phénomène empire chaque lundi, ou à chaque retour de vacances. A la maison, leurs parents leur disent que s’ils sont malades, ils doivent se présenter à l’infirmerie. Même quand ils n’ont pas cours, ils viennent uniquement pour ça ».
Ce qui ne semble pas illogique en soi, mais appelle, pour se conformer à l’organisation voulue en métropole, à fournir aux parents quelques explications sur ce qu’est la médecine scolaire.
Plateforme de mutations non actualisée
A écouter Linda Brenon, infirmière contractuelle depuis 2 ans au collège de Doujani, « le plus gros de France », avec ses 2.000 élèves, son local d’infirmerie ne désemplit pas du matin au soir : « Ils sont 30 à 40 par jour, pour des soins liés à des plaies essentiellement, et des demandes de préservatifs, ou des problèmes de maux de ventre liés à une mauvaise alimentation. » Rappelons que 44 personnels infirmiers dont 17 contractuels sont en poste pour répondre aux besoins des 53047 élèves dans le 1er degré et 43879 élèves du 2e degré.
En lycée, témoigne Nicole Filliung qui a exercé 8 ans à Mayotte, « les demandes portent plutôt sur les risques sexuels, et également sur des douleurs liées à une mauvaise alimentation ». Elle s’estime plutôt bien équipée techniquement, « là dessus nous avons les moyens, avec une enveloppe globale de un euro par élève. » Mais face à leur rôle de premier plan en matière de santé, ils demandent une adaptation des locaux, « une salle d’attente ou un lieu de repos ».
Ces professionnels imputent aussi des dysfonctionnement au vice-rectorat dont ils dépendent donc : « J’ai un poste à moitié sur un lycée, et l’autre sur le primaire, mais sans que je sache quelles écoles m’ont été attribuées », explique un nouvel arrivé.
Selon eux, des titulaires seraient intéressés en métropole pour venir ici, mais auraient des difficultés de lisibilité de poste, « la plateforme AMIA qui gère nos mutations n’est pas actualisée. Seule la voie syndicale fonctionne ! »
Un seul médecin scolaire
Suite à cette pression de soins immédiats, une partie des missions normalement dévolues aux infirmières, notamment l’éducation à la santé, l’accueil, l’écoute et les soins dans les établissements scolaires sont délaissés.
La pénurie de médecin à l’échelle du territoire, les touche aussi durement, « il n’y a qu’un seul médecin scolaire pour l’ensemble de l’île ». Il est donc demandé aux infirmiers de faire preuve de bonne volonté et d’effectuer des visites de dépistage sensoriel auprès des élèves de 6 ans en opposition à l’article L 541-1 du code de l’éducation qui prévoit une visite médicale obligatoire et non un simple dépistage infirmier. Cette pratique laisse à croire que les enfants ont été vus, alors que ces élèves n’ont pas accès aux examens médicaux légalement prévus.
Il semblerait que deux candidats médecins aient été retenus à la suite d’un appel à candidature. Une rareté qui n’œuvre pas toujours en faveur de la qualité professionnelle, notamment sur les règles déontologiques, pointaient-ils à l’intention de certaines de leurs cadres conseillères techniques.
Etant donné le peu de spécialistes de santé à Mayotte qui avait été souligné par l’étude STATISS de l’ARS OI, il faut attendre parfois des mois pour attendre les missions en provenance de La Réunion, comme en cardiologie, en endocrinologie, en orthopédie, etc. Ce qui n’améliore pas le suivi des dépistages…
Si la profession veut continuer à dépendre de son ministère de l’Education nationale en dépit des critiques qu’elle formule, il faut l’envisager à Mayotte sous un prisme différent de la métropole. Car si le repas de la cantine est souvent le seul absorbé dans la journée, au cœur de collèges et lycées mastodontes, les infirmiers et infirmières sont parfois le seul contact médical qu’auront certains jeunes de toute leur scolarité.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
Publié le mardi 6 février 2018 à 16:42