Sécurité sociale : 114 millions d'euros, c'est le coût des arrêts maladie à La Réunion.
En 2022, près de 9 millions d'arrêts maladie ont été enregistrés en France, soit 30% de plus que 10 ans plus tôt. À La Réunion où près de 500.000 arrêts sont prescrit annuellement, les indemnités journalières ont coûté plus de 114 millions d'euros à la CGSS (Caisse générale de sécurité sociale) en 2023. L'Assurance maladie traque les abus, les salariés qui fraudent et certains médecins gros prescripteurs. Pour combler ce trou grandissant dans les comptes de la Sécu et enrayer ce déficit, la Cour des comptes propose plusieurs mesures pour restreindre les indemnisations des arrêts maladie (Photo : www.imazpress.com)
"La société ne va pas bien. Il y a beaucoup d'arrêts maladie liés à l'épuisement professionnel ou l'épuisement psychique", confiait un médecin. "Après, s'il est vrai que certains abusent, d'autres sont vraiment en souffrance."
À La Réunion, "le tendanciel d'arrêt maladie est à la hausse", confirme le Docteur Lefort de la Direction du service médical de la CGSS, "que cela soit pour les risques maladie ou les risques professionnels (accident de travail)".
En 2022, l'Assurance maladie de La Réunion a comptabilisé 474.000 arrêts maladie. Des arrêts dont le coût a été de plus de 120 millions d'euros pour la CGSS de La Réunion.
Au premier trimestre 2023, ce fut 634.417 euros indemnités journalières qui ont été prises en charge pour plus de 21.000 bénéficiaires.
75% des arrêts sont de moins de 30 jours, sachant que la moyenne d'indemnités journalières en maladie est de 25 jours par bénéficiaire et 65 jours en accidents de travail.
Sur ces prescriptions, 80% sont issues du libéral, 10% des établissements de santé et 10% pour le Covid.
Une hausse qui va de pair avec l'augmentation des dépenses remboursée par l'assurance maladie.
En 2023, cela représentait pour l'Assurance maladie de La Réunion, un coût d'un peu plus de 114 millions d'euros remboursées en termes d'indemnités journalières dont 80 millions pour risque maladie et 34 millions pour risques professionnels.
Sur la totalité des arrêts maladie, ce sont les arrêts longue durée qui – au-delà de six mois - même s'ils sont moins nombreux (5%), génèrent 40% des coûts de l'assurance maladie.
Le mal-être au travail -
Les troubles psychiques (dépressions, troubles anxieux, burn-out…) sont la première cause d'arrêt maladie. "L'on voit d'année en année que ce sont des motifs qui augmentent", souligne le Docteur Lefort.
"Nous avons ensuite les troubles musculosquelettiques et lombalgies ainsi que les maladies chroniques."
"Nous avons remarqué que depuis la crise Covid, il y a une montée en puissance des personnes qui ne se sentent pas bien dans leur travail, notamment en raison du maillage entre vie professionnelle et vie personnelle", explique Corinne Dubois, directrice régionale de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) de La Réunion.
La directrice faisant référence au télétravail. "On ne sait plus quand s'arrêter, quelquefois il y a un surinvestissement du salarié, sollicité par tous les canaux de communication modernes (téléphone, visio, mail…)."
À cela s'ajoutent, pour l'ensemble des salariés, "des difficultés avec le pouvoir d'achat, les déplacements. Tout cela augmente la charge mentale et forcément on emmène ce mal-être avec soi au travail".
Des arrêts maladies en hausse et des employeurs méfiants -
Outre les arrêts maladie en augmentation, ce sont les signalements faits par les employeurs au Conseil de l'ordre qui sont en hausse.
"Il y a très souvent des employeurs qui portent plainte contre le médecin. On recense environ d'une procédue par mois", relate le Docteur Dusang, président du Conseil Départemental Ordre Médecins de la Réunion.
Les employeurs "estimant que le médecin aurait rédigé un arrêt maladie de complaisance sans réalité médicale". Cela "au motif qu'il y a écrit sur l'arrêt plusieurs jours d'arrêt alors que l'employé est dehors", explique-t-il.
"Si le médecin a prescrit c'est qu'il fallait un arrêt maladie." Après "il arrive que des patients racontent de belles histoires au médecin mais le prescripteur est de bonne foi et fait son travail dans l'intérêt du malade".
Le Docteur Dusang relève également d'autres cas de contentieux en hausse "avec des arrêts où le médecin a indiqué qu'il y avait un lien entre l'arrêt maladie et les conditions de travail". "On ne peut certifier que ce que l'on a constaté et le médecin ne peut pas avoir constaté par exemple du harcèlement et pour cela les employeurs se plaignent".
Des plaintes qui partent vers la chambre disciplinaire.
Si le médecin est condamné, "généralement il a un avertissement, un blâme au motif qu'on ne peut certifier le lien entre le syndrome et le travail", ajoute le Docteur Dusang.
Comment les fraudes aux arrêts de travail sont traquées -
Si certains Réunionnais font face à un mal-être grandissant, d'autres à l'inverse se mettent en arrêt, sans forcément être malades. Les fraudes sont rares mais les arrêts de complaisance sont plus fréquents.
Les employeurs – tout comme l'Assurance maladie, peuvent parfois douter de la pertinence de l'arrêt. Pour lever le doute, certains assurés sont donc convoqués par le médecin-conseil.
Concernant les assurés, "nous avons des critères de sélection pour cibler les arrêts de travail", explique le Docteur Lefort. "On se fie au critère de la pathologie et de la durée."
Grâce à des éléments statistiques fournis par la Haute autorité de santé (HAS), "nous avons des référentiels sur lesquels se baser pour déclencher un accompagnement ou un contrôle", ajoute le Docteur Lefort de la Direction du service médical de la CGSS.
Dans le premier cas, un agent enquêteur agréé assermenté peut se rendre au domicile de la personne pour vérifier sa présence en dehors des heures de sortie autorisées.
Le contrôle peut aussi être d’ordre médical. Lorsque l’Assurance maladie ou l’employeur estime que l’arrêt de travail a de fortes chances de ne plus être médicalement justifié, le médecin-conseil convoque la personne arrêtée à un examen médical pour analyser son état de santé.
Les médecins ne sont pas les seuls à pouvoir effectuer ces contrôles. Les personnes arrêtées peuvent être convoquées par un infirmier du service médical ou un conseiller du service Assurance maladie (CSAM) à un rendez-vous téléphonique ou physique.
"Cela permet d'accompagner l'assuré dans le cadre du maintien à l'emploi et de contrôles les abus ou fraudes."
Dans les faits, près de la moitié des arrêts maladies sont contrôlés, tant que cela est fait "de façon pertinente", lance le Docteur Lefort "en comparant le motif, la raison et l'historique du patient. On ne va pas contrôler pour contrôler".
Encore faut-il que tout soit rempli et le numéro de sécurité sociale indiqué.
Source : imazpress.com MA.M