Taux de sucre dans les produits vendus en Outre-mer : lettre ouverte au ministre de la Santé.
Monsieur le Ministre, nous souhaitons par le présent courrier vous interpeller sur la persistance d’inégalités prégnantes entre les taux de sucre présents dans les produits alimentaires vendus dans les régions d’outre-mer et ceux commercialisés en hexagone. En effet, malgré les avancées de la LOI n° 2013-453 du 3 juin 2013, dite loi Lurel, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer, nous constatons que les habitants des régions d’outre-mer demeurent surexposés à des aliments comportant des teneurs en sucre supérieures à la moyenne nationale.
Cette surconsommation de sucre favorise la prévalence des maladies chroniques pour les populations d’outre-mer. Alors que le diabète concerne 6,13% de la population à l’échelle nationale, ce taux atteint 10,5% de la population en Martinique. Un rapport du Sénat relatif à la lutte contre l’obésité documente également l’existence d’une forte inégalité géographique sur la prévalence de cette maladie. Dans les Antilles ce sont 27,8 % des individus qui se trouve en situation d’obésité (+ 8 points entre 2003 et 2013), contre 17 % des adultes à l’échelle nationale. À Mayotte, la situation est encore plus préoccupante, avec près de 47 % de personnes obèses parmi les Mahoraises entre 30 et 69 ans.
Nous avons été plusieurs parlementaires à nous saisir de cette question en adressant au mois d’avril 2023 une question écrite transpartisane sur les mesures que votre ministère envisage de mettre en œuvre afin d’assurer la bonne application de la loi Lurel. Dans la réponse publiée au journal officiel le 12 décembre 2023, votre ministère nous renvoie vers l’enquête menée en 2021 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui conclut au respect et à la bonne connaissance de la loi Lurel par les professionnels, sans non- conformité détectée pour des boissons vendues à la fois en métropole et dans les Outre-Mer.
Cette étude, qui a examiné les taux de sucres de 50 références de produits en se concentrant principalement sur la gamme des boissons rafraîchissantes sans alcool, demeure cependant largement incomplète du fait de son caractère non exhaustif.
La mise en œuvre de cette loi a également fait l’objet d’une expertise collective pilotée par la DGOM en janvier 2021 qui a abouti à la publication d’un volet « Outre-mer » du Programme national nutrition santé 2019-2023 (PNNS 4) en septembre 2022. Ce volet « Outre-mer » du PNNS4 dresse un bilan plus mitigé de l’application de la loi Lurel, rapportant que « Certains acteurs de terrain estiment que les dispositions législatives ne peuvent pas être traduites de manière opérationnelle. Ils déplorent également leur manque de contrôle ».
Un rapport d’information du Sénat sur la lutte contre l’obésité conduit par Mmes Chantal DESEYNE, Brigitte DEVÉSA et Michelle MEUNIER, et publié 29 juin 2022 a également conclu que les mécanismes retenus par la loi ne sont pas pleinement opérants, mettant en avant la difficulté pour les petits producteurs locaux à connaître les teneurs en sucre dans l'Hexagone pour s'y conformer et une imprécision de la notion de « denrées alimentaires assimilables de la même famille ». Ce rapport déplore un manque d’informations quant à l'ampleur des reformulations mis en place par les producteurs pour adapter leurs produits à la législation.
Le volet « Outre-mer » du PNNS4 prévoit également la mise en place d’un groupe de travail pour analyser le bilan de la Loi Lurel et proposer des actions visant à améliorer la qualité de l’offre alimentaire en Outre-mer et recommandait de réaliser des prélèvements aléatoires sur certains jus vendus dans le commerce afin d’établir la teneur en sucres de ces produits. Nous vous prions de bien vouloir nous communiquer les résultats de ce groupe de travail et de cette campagne de prélèvements qui s’inscrivent dans le Programme national nutrition santé 2019-2023 qui arrive à son terme en ce début d’année 2024.
En réponse à notre question écrite d’avril 2023, votre ministère annonce renforcer le déploiement du Nutri-Score auprès des opérateurs locaux et développer les accords collectifs dans lesquels les filières peuvent s'engager sur une diminution significative des teneurs en sucre. Ces mesures, qui reposent sur des engagements volontaires, ne sauraient représenter une réponse suffisante aux inégalités de santé et de qualité de l’alimentation qui impactent durement les habitants des régions d’outre-mer.
Votre ministère nous assure enfin qu’une attention particulière sera portée aux populations ultramarines dans le cadre de la déclinaison de la future Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat. Nous vous prions donc de bien vouloir faire des inégalités de santé pour les populations ultra-marines un sujet prioritaire de cette stratégie et nous serons vigilants à ce que les mesures proposées permettent d’assurer enfin la bonne application de loi Lurel de 2013 visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer.
Vous remerciant par avance de votre réponse et de votre disponibilité,
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos salutations républicaines.
Loïc Prud'Homme Député de la Gironde
Estelle Youssoufa Députée de Mayotte
Jean - Hugues Ratenon Député de la Réunion
Davy Rimane Député de la Guyane
Max Mathiasin Député de la Guadeloupe
Jean-Philippe Nilor Député de la Martinique
Perceval Gaillard Député de la Réunion
Karine Lebon Députée de la Réunion
Steve Chailloux Député de la Polynésie française
Elie CALIFER
Johnny HAJJAR Député de la Guadeloupe Député de la Martinique
Source : https://imazpress.com