Médiatrice en santé, un nouveau métier en devenir.
Officiellement, le métier de médiateur en santé a huit ans, puisqu’il a été défini pour la première fois en 2016, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé. Selon la loi, « la médiation sanitaire et l’interprétariat linguistique visent à améliorer l’accès aux droits, à la prévention et aux soins des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins, en prenant en compte leurs spécificités ». Officieusement, la médiation en santé est bien plus ancienne, mais reste un métier aux contours flous, en devenir. C’est ce qui ressort d’un colloque sur la question organisé par la Fondation Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), laquelle soutient nombre de projets de médiation en santé.
Trait d’union entre soignants et soignés
Lors d’une première table ronde, des pionniers de la médiation sanitaire ont décrit les missions qui étaient les leurs au sein des établissements de santé où ils intervenaient.
Pour Bernadette Rwegera, présidente de l’association Ikambere qui vient en aide aux femmes vivant avec le VIH, la médiatrice en santé « permet de faire le trait d’union entre les soignants et les soignés, lève les obstacles à la bonne observance, en cherchant un logement, de la restauration, etc. ».
Pour Olivier Bouchaud, chef de service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis) et par ailleurs créateur d’un diplôme universitaire (DU) de médiation en santé, la médiatrice en santé « doit trouver sa place en lien avec les autres métiers, qu’il s’agisse des professionnels de santé ou des assistantes sociales. Il peut y avoir des situations conflictuelles, lorsque les missions des uns et des autres se superposent, mais quand les périmètres des métiers sont bien définis, la médiatrice en santé peut permettre par exemple à l’assistante sociale de se concentrer sur son cœur de métier, en déléguant les aspects administratifs de la prise en charge du patient à la médiatrice en santé ».
Quelles sont alors les missions spécifiques de la médiatrice en santé ? « Elle ne va pas prendre la place de l’infirmière, mais va travailler sur l’éducation thérapeutique pour rendre la patiente responsable de sa santé. Nous levons des freins en nous occupant du quotidien de ces patients souvent précarisés, en nous intéressant à leurs besoins physiologiques, leurs besoins d’amour aussi », détaille Bernadette Rwegera.
Diplôme universitaire
De manière plus théorique, Olivier Bouchaud a décrit le contenu du DU en médiation santé qu’il a créé : « C’est un vrai métier qui s’apprend. Le DU comprend des enseignements sur les bases médicales, la connaissance du système de santé, des notions de communication, de “décentrage”, pour pouvoir appréhender sans jugement la parole des patients. Il y a 36 manières de pratiquer la médiation en santé et j’ai l’habitude de dire que nos étudiants ont bac -5 à bac +5. Nous avons parmi eux des gens qui pratiquent déjà la médiation de manière informelle, sans avoir de diplôme de l’enseignement supérieur, mais aussi des gens qui ont des masters. »
Impact sur les professionnels de santé
Quel est l’impact des médiatrices en santé sur les professionnels de santé ? Médiatrice en santé à l’hôpital Avicenne et membre de l’association Mille parcours, Salomé Boscher a mené une recherche-action sur la médiation en santé pratiquée dans les hôpitaux d’Avicenne et de Bichat (Paris) depuis quatre ans, dans le cadre du dispositif « Parcours » à destination des migrantes confrontées à des violences sexuelles. « En 2020, la médiation en santé a intégré le dispositif Parcours. À ce titre, deux postes de médiatrices en santé ont été créés, l’un à Bichat et l’autre à Avicenne. Un troisième poste a été créé en 2022 à l’hôpital Bichat. Les médiatrices en santé apportent un autre regard sur les patients sur bien des aspects, notamment juridiques et administratifs. Elles permettent d’orienter et d’accompagner les patientes hors de l’hôpital et les aident à satisfaire leurs besoins de première nécessité : hygiène, logement, nourriture. Elles orientent les patientes vers les partenaires en ville » définit Salomé Boscher.
En termes de bilan sur ces quatre années de médiation en santé, Salomé Boscher constate que les missions des médiatrices « restent peu claires, car elles ont des connaissances et des profils qui varient, cela peut créer du flou. Leurs compétences sont peu identifiées par les professionnels de santé. Ces derniers font appel à elles, surtout parce qu’ils manquent de temps, mais aussi, dans un second temps, pour leur savoir-être et leur connaissance du système de santé ».
Quoi qu’il en soit, la présence des médiatrices en santé a trois impacts majeurs organisationnels sur les professionnels de santé, selon Salomé Boscher : « Elles permettent un gain de temps et d’énergie pour les professionnels de santé. C’est un soutien dans la coordination entre professionnels ; enfin, comme elles sont présentes en permanence sur le site, elles font aussi de la veille et de l’alerte ». L’impact humain n’est pas non plus négligeable, puisqu’elles font « du soutien émotionnel auprès des patients, mais aussi des professionnels de santé, elles les aident à prendre des décisions. Ainsi, elles développent une vision du soin plus humaine, sur mesure, un soin qui prend son temps ».
Source : https://www.univadis.fr/